Un restaurant consomme en moyenne 244 kWh d'électricité et 211 kWh de gaz par mètre carré par an*. Soit environ 5 100 € dépensés pour faire fonctionner l'établissement tout au long de l'année. Si ces dépenses sont incompressibles, il est possible malgré tout de faire baisser la note, et même de faire coup double en améliorant ses pratiques. Dans une période charnière et perturbée pour la profession, le poids des dépenses énergétiques en restauration représente un double enjeu : un levier pour alléger la pression financière sur les entreprises et une occasion d'entrer dans une nouvelle pratique vertueuse de la gastronomie, moins énergivore.
Les petits gestes ne coûtent rien
Avant même de penser à changer de contrat d'énergie en espérant faire une meilleure affaire, il est possible de réaliser des économies substantielles en auscultant l'usage des énergies dans l'établissement. « On estime que le gain potentiel est de 10 % à 20 % en régulant globalement l'existant, indique Adrien Virolleaud, directeur du marché tertiaire chez Greenflex, spécialiste de l'accompagnement de la transition énergétique et environnementale des entreprises. Le management des consommations d'énergie au quotidien permet de visualiser ce que j'appelle les fuites, c'est-à-dire les consommations inutiles en dehors des heures d'activité. Par exemple, les équipements en veille ou encore un chauffage mal programmé. Il faut savoir que ce type d'équipements est programmé par défaut sur des horaires de bureau, ce qui n'est pas du tout adapté à la restauration. Identifier ces pertes et comprendre ses consommations, c'est avoir la possibilité de mettre des choses en place pour les réduire, notamment d'automatiser grâce à la domotique. » La plupart des fournisseurs d'énergie donnent accès à un suivi des consommations en ligne, presque en temps réel pour les établissements équipés du compteur électrique Linky. Il est aussi possible de se doter d'outils digitaux plus précis pour analyser ces consommations, ce qui est particulièrement intéressant pour les enseignes multisites.
Investir... pour économiser
Cet auto-audit doit être mené poste par poste (cuisson, chauffage-climatisation, réfrigération, plonge, ventilation, éclairage) et concerne aussi bien les habitudes - extinction des lumières, fermeture rapide des portes du four ou des appareils de réfrigération, regroupement des livraisons, consommation raisonnable de l'eau… - que la manière de travailler. « Nous avons optimisé toute notre production en jumelant les cuissons, témoigne Susie Lefort, de l'hôtel-restaurant La Musardière à Giverny. C'est à la fois bénéfique en termes d'organisation et nous utilisons les fours moins longtemps. Finalement, c'est du bon sens cuisinier, mais ça a clairement une répercussion sur nos consommations d'énergie. » Autre exemple, le restaurant Le Pain et la Rose à Toulouse, labellisé par Ecotable, rapporte pour sa part avoir changé le format des pains préparés maison pour diminuer le temps de cuisson de 20 min. Une économie substantielle sur le long terme. La réussite de cette stratégie repose par ailleurs sur l'implication des équipes. « Cela demande un gros travail de formation et de suivi, concède Susie Lefort. Mais si les collaborateurs se sentent acteurs, qu'ils voient concrètement l'impact des leurs comportements, ils font l'effort. » Cette option demande de se projeter à long terme et peut être intéressante dans le cadre d'une ouverture ou d'une rénovation. « Nous incitons nos clients à se poser la question du coût complet de possession d'un appareil, c'est-à-dire son prix d'achat, mais aussi sa maintenance, sa consommation tout au long de sa vie, explique Adrien Virolleaud. Quand on y pense, l'achat représente 25 % à 30 % du coût complet. C'est pour cette raison qu'on conseille de choisir un appareil pour sa performance sur le long terme et pas seulement pour son prix. » À La Musardière, cette stratégie se révèle en effet payante. « Dès que nous sommes arrivés, nous avons remplacé la chaudière au fioul pour gagner en performance sur le chauffage. Cela peut paraître anodin, mais à l'échelle de 11 chambres et d'un restaurant, c'est considérable. Nous avons aussi passé tous les éclairages en LED, c'est effectivement un peu plus cher à l'achat mais nous les amortissons dans le temps car nous avons besoin de les changer beaucoup moins souvent. À cela on a ajouté une application domotique et des détecteurs de mouvement pour gérer l'intensité lumineuse ou l'extinction selon l'usage des locaux. »
Du côté de la cuisine aussi, tout a été repensé : un piano induction limite les pertes d'énergie et l'espace a été réagencé pour éviter la proximité entre les équipements chauds et les équipements froids. Des investissements de cette ampleur laissent espérer une économie supplémentaire de l'ordre de 15 % à 20 % et peuvent bénéficier d'aides, notamment des primes Certificat d'économie d'énergie (CEE) ou encore l'« aide tremplin pour la transition écologique », mise en place par l'Ademe.
Quid des contrats d'énergie ?
La modification des contrats avec les fournisseurs d'énergie présente un dernier levier pour économiser, même si la marge de manœuvre reste moindre. « Pour les entreprises qui sont en tarif bleu, mon conseil est de rester accroché aux tarifs réglementés pour éviter de subir les fluctuations des prix de marché, souligne Adrien Virolleaud. En revanche, pour les enseignes qui dépendent du tarif jaune, elles ont intérêt à se regrouper pour faire jouer le poids du nombre dans la négociation. » En ce qui concerne les tarifs bleus, les offres tarifaires varient peu, jouant entre des prix plus ou moins avantageux du kWh et de l'abonnement. Mieux vaut bien analyser ces deux éléments avant de se décider.
* Étude ARENE-ADEME, selon moyenne de factures en 2015.
Conseils pratiques poste par poste
CUISSON Remplacer le gaz par un piano induction, ou installer des brûleurs séquentiels.
Contrôler les ouvertures du four : 1 seconde, c'est 5 °C en moins dans l'enceinte. Régler correctement les friteuses, très gourmandes en énergie.
Couvrir les casseroles pendant les cuissons.
Mutualiser les cuissons. Entretenir et nettoyer les équipements pour un fonctionnement optimal.
FROID Si possible, déporter les moteurs en dehors de la cuisine.
Éloigner les équipements froids des chauds Limiter les ouvertures de porte, notamment en regroupant les livraisons Installer un échangeur thermique pour revaloriser la chaleur émise par les appareils pour le chauffage ou l'eau chaude.
Dégivrer régulièrement les équipements.
ÉCLAIRAGE Opter pour des ampoules LED.Installer des détecteurs de mouvement dans les zones de passage (stocks, couloirs, toilettes). Dépoussiérer les luminaires pour gagner en luminosité.
CHAUFFAGE, CLIMATISATION ET VENTILATION Programmer des plages horaires adaptées à l'activité. Moduler la puissance de ventilation et d'aspiration de la hotte au fil de la journée. Nettoyer les bouches de chauffage-climatisation, purger les radiateurs régulièrement.
EN SALLE Isoler les courants d'air de la porte d'entrée.
Éteindre les machines à café entre deux services.
Moduler l'intensité lumineuse selon la lumière naturelle.