Alexandre Victor-Pujebet, l’importance d’être constant

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À la tête de la brasserie du Boulingrin, institution rémoise, Alexandre Victor-Pujebet poursuit la tradition du service à la française, en plus de servir des plats classiques. Le trentenaire partage sa vision du service, qu’il a pu développer pendant six ans à l’office de tourisme de Lyon.

Alexandre Victor-Pujebet
Alexandre Victor-Pujebet

« Une trentaine d’architectes ont été envoyés à Reims pour reconstruire la ville, après la Première Guerre mondiale » , indique Alexandre Victor-Pujebet, pour expliquer l’omniprésence du style art déco dans la cité des rois quasiment entièrement détruite à l’issue de la Grande guerre. Le trentenaire semble à l’aise dans son rôle de guide touristique. Et pour cause, il a travaillé pendant six ans pour l’Office de tourisme de Lyon, ville où la gastronomie occupe une place de choix.

Le style des années 1920 se retrouve naturellement dans l’immeuble, construit en 1925, qui abrite son restaurant : la brasserie du Boulingrin. Celle-ci fait d’ailleurs face aux halles de la ville, elles aussi pur produit de l’art déco. L’emplacement n’a pas toujours servi de lieu de restauration. « Il accueillit une épicerie Codec, puis un restaurant dans les années quatre-vingt, pour enfin abriter Lehmann, une verrerie champenoise », raconte le propriétaire.

La brasserie ne se situe au numéro 31 de la rue de Mars que depuis très récemment, à l’échelle de l’histoire de l’établissement. Ce dernier se trouvait en effet jusqu’en 2013 au numéro 48 de la même rue, à quelques dizaines de mètres de sa nouvelle adresse. « Nous n’étions pas propriétaires des murs. Nous avons eu un désaccord avec le propriétaire mais nous ne voulions pas lâcher l’enseigne », précise Alexandre Victor-Pujebet. Une enseigne que sa famille possède depuis 1989 et qui existe depuis 1925. La brasserie du Boulingrin demeure une institution à Reims, dans laquelle une « vraie fidélité » existe aussi bien du côté des clients que du côté des employés. « Il s’agit d’une brasserie traditionnelle, avec un service à l’ancienne : veston, nœud papillon… », décrit le propriétaire. Les nappes en tissu recouvrent toujours les tables séparées entre elles d’une trentaine de centimètres pour créer de la convivialité, atmosphère à oublier par ces temps de Covid où les mesures de distanciation physique prévalent. « Il y a un coin dans le restaurant où je mets les gens seuls. Ils finissent toujours par discuter », tient-il à raconter, un brin amusé. L’institution brasse une clientèle diverse, comme le rappelle le propriétaire : « Pendant des travaux qui avaient lieu à proximité du restaurant, des ouvriers venaient déjeuner. Et à la table d’à côté se trouvait un des plus importants propriétaires de maison de champagne ».

« Les gens ne viennent pas au restaurant pour manger, ils veulent être servis »

L’importance du service

Les clients sont d’après lui attirés par l’ambiance « franchouillarde » du lieu, « ils sont ici pour passer un bon moment » . Le service tient alors une place toute particulière. « Il ne s’agit pas de porter des assiettes, mais d’être au service des clients », souligne le propriétaire, qui cite alors son père, Bernard Victor-Pujebet : « Les gens ne viennent pas au restaurant pour manger, ils veulent être servis ». Le fils l’admet, « la cuisine est bonne », avec des plats phares tels que le tartare ou l’andouillette, mais les clients viennent « pour que l’on s’occupe d’eux ». Pour expliciter son propos, il effectue un parallèle avec les bars, qui « proposent les mêmes produits aux mêmes prix, mais avec une ambiance différente » . Celui qui qualifie le service d’ « ultime chic à la française », c’est-à-dire « être sympathique sans être coincé », a développé la relation avec la clientèle lors de son passage à l’office du tourisme, en tant que conseiller en séjour. « C’était un plaisir de donner aux gens le goût de la ville, de s’adapter aux demandes, se souvient-il. Dans la restauration, c’est la même chose. À Lyon, les gens étaient en vacances. Ici, ils sont en repos. » Après six années à l’Office de tourisme de Lyon, Alexandre Victor-Pujebet décide de rejoindre le restaurant familial en profitant d’une opportunité. « J’avais fait le tour, l’évolution était impossible, explique-t-il. J’avais envie de travailler en famille et le directeur s’approchait de la retraite. » Un choix dont il se réjouit, se sentant « à [sa] place ». Son seul regret est de « ne pas pouvoir profiter de la brasserie en tant que client ». En plus de la brasserie du Boulingrin, la famille Victor-Pujebet possède à Reims deux autres affaires : le restaurant bistronomique du Petit Comptoir et l’hôtel-restaurant Continental. Elle gère également du Bistrot de Flandre, une brasserie située à Compiègne (Oise).

Le trentenaire souhaite moderniser la brasserie du Boulingrin, tout en veillant à ne pas la dénaturer. « La brasserie est au-dessus de moi », lâche-t-il, conscient du passé de l’enseigne. En tant qu’ancien lyonnais, le parallèle est tout trouvé : « C’est comme la Brasserie Georges qui appartient aux Lyonnais ». Pourtant, estime-t-il, « l’établissement doit se renouveler, sinon il meurt ».

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