Cidre : l’explosion de la bulle des vergers

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Fini, le temps de la bolée de cidre d’antan à la crêperie ! La boisson, autrefois surnommée champagne normand, a depuis longtemps acquis ses lettres de noblesse à l’étranger. Aujourd’hui, elle se réinvente dans l’Hexagone. Cidr’Expo, premier salon dédié aux professionnels et amateurs de produits cidricoles, reflète cette évolution et la montée en flèche de la consommation de cette boisson.

Bar à cidre
Bar à cidre

Durant trois jours – dont deux réservés aux professionnels -, les visiteurs ont pu découvrir un univers en pleine évolution, riche de variétés et chargé d’histoire. Sur les dix premiers mois de 2019, les ventes de cidre ont augmenté de 10 % en dehors du circuit GMS. Preuve s’il en est que le modèle NBCG associé au cidre (Normandie, Bretagne, crêpes et galettes) évolue peu à peu. « Le marché est en retard en France : en Angleterre, cela fait une décennie que la consommation s’est généralisée et le marché américain a été multiplié par cinq en dix ans », souligne Jean-François Bougeant, caviste à Étretat et président de l’association Cidr’Expo. Les Anglais consomment dix fois plus de cidre que leurs voisins d’outre Manche : 900 millions de litres à l’année, contre 90 millions en France. Une différence qui peut notamment s’expliquer par l’omniprésence de ciders dans les pubs et restaurants anglais. « En France, le CHR représente la plus grosse opportunité pour le cidre, affirme le président de Cidr’Expo. Pour l’instant, il y a peu de distributeurs, mais le potentiel est énorme. » Le cidre coche en effet toutes les cases pour devenir une boisson phare, surtout chez les jeunes consommateurs : faible degré d’alcool (entre 2 et 8 degrés), peu amer et écologique ! Les vergers cidricoles nécessitent en effet moins de traitements chimiques que ceux où l’ont produit des pommes destinées à la consommation et absorbent quantité de CO2. Sur la centaine d’exposants présents sur le salon, plus de 30 travaillent en agriculture biologique ou ont placé leur domaine en conversion.

« Les moins de 30 ans vont lancer la mode du cidre en France », selon Jean-François Bougeant, président de l’association Cidr’Expo. »


IDENTITÉ FORTE ET ADAPTATION AU MARCHÉ


Pour se faire une place sur les tables et les terrasses des établissements français, certaines cidreries misent sur une image de marque forte. On peut penser à la maison basque Kupela – « tonneau » en basque – qui joue la carte du terroir et de la modernité. L’entreprise produit environ 200 000 bouteilles par an et travaille majoritairement avec des variétés de pommes locales, qu’elle transforme à la fois en cidre, en jus et en vin de pomme – le Sagardoa, un vin non pétillant. Seuls les cidres sont élaborés avec un quart de pommes normandes. Innovant, Kupela a développé des cidres conditionnés en canettes pour le marché américain. D’autres misent sur une identité visuelle forte, à l’image de Sassy. Cette jeune maison de cidre créée il y a cinq ans a su construire une image de marque forte, que l’on retrouve des bouteilles aux sweats et tee-shirts, également vendus par l’entreprise. Sassy produit annuellement un million de bouteilles tous produits confondus, et exporte son cidre « à la française » 100 % pur jus – en opposition aux ciders américains ou anglais, qui  contiennent du concentré – vers 15 pays. La jeune marque mise tout particulièrement sur les bars et le CHR pour populariser la consommation de cidre. Elle a par exemple développé un cidre rosé, La Sulfureuse, élaboré majoritairement à base de pomme geneva rose. « Les consommateurs habitués à prendre un cidre brut se tournent volontiers vers le cidre rosé l’été ; on observe d’ailleurs un pic de sa consommation à cette période », constate Maxime Lessage, directeur commercial CHR de Sassy. La marque est aussi l’une des pionnières du format 33 cl, qu’elle commercialise entre 4 et 8 € la bouteille. Cet été, Sassy va commercialiser un fût dédié pour les CHR, que la marque avait déjà proposé sur les festivals Cabourg mon amour et We Love Green, fût adopté depuis longtemps par la cidrerie Lemasson, basée à Cametours, pour laquelle le cidre pression représente 40 % de ses ventes. Le producteur Damien Lemasson a commencé à commercialiser ses cidres en fûts dans les années 2000, à l’occasion d’un festival de musique, le format lui permettant d’économiser de l’espace.

ATTEINDRE LE CONSOMMATEUR NÉOPHYTE


Aujourd’hui, Damien Lemasson travaille avec plusieurs restaurants et bars parisiens : Lulu la Nantaise, Rond et La Cidrerie. « Il faut proposer un produit qui s’adapte aux restaurateurs », explique-t-il. Pour lui, le cidre pression qu’il commercialise en fûts de 30 litres préserve ergonomie et fraîcheur. Son pH plus bas que la bière permet en outre une meilleure conservation. « La pression permet d’atteindre le consommateur néophyte, qui ne connaît pas l’univers du cidre », affirme Benoît Marinos, qui dirige le bar à cidre parisien La Cidrerie. Dans ce dernier, il propose une trentaine de cidres en bouteille, ainsi que huit cidres à la pression. Son credo ? Faire découvrir de nouvelles choses et miser sur de petits volumes, qui lui permettent de changer régulièrement sa carte. En proposant à la fois des bouteilles, des demis (3,50 €-4 €) et des pintes (7-8 €) de cidre, avec une cuisine qui change des traditionnelles crêpes pour les accompagner – des burgers, des planches de charcuterie, des croquettes de sarrasin -, La Cidrerie veut amener en France « la culture festive du cidre, à l’image de celle de la bière, qui existe déjà dans les Asturies ou en Allemagne ».

www.cidrexpo.com

La Sélection


Cidrerie du Vulcain


La cuvée Trois Pépins de Jacques Perritaz marie pomme, poire et coing. Le producteur travaille en prise de mousse naturelle, avec des variétés de fruits anciennes élevés sur des arbres à haute tige. Tous ses cidres sont millésimés et très peu filtrés, laissant s’exprimer pleinement les saveurs des fruits.
Prix professionnel: 13,45 €


Julien THUREL

Ce producteur du Loiret, ancien ornithologue et passionné d’agrobiologie, travaille avec des variétés anciennes de pommes, qu’il ramasse et presse à la main. Il élève ensuite ses cidres dans des cuves inox ou en tonneau. Sa cuvée Nectar, aux bulles très fines, est composée à 90 % d’aigrelette, une variété de pomme abandonnée par de nombreux producteurs.
Prix départ cave : 5,18 €


Antoine MAROIS

Basé à Cambremer, Antoine Marois cultive ses cidres en cuvée parcellaire. Actuellement en conversion biologique sur ses vergers, le producteur réalise également un poiré – sa cuvée Ad Astra – avec des poires plants de blanc du Domfrontais, qu’il importe et transforme sur sa propriété.
Prix : 7 € HT


KUPELA

Cette cidrerie basque produit 200 000 bouteilles par an. Elle travaille essentiellement avec des variétés basques et met à l’honneur la tradition locale des cidres tranquilles – également appelés vin de pomme – avec son Sagardoa, un vin de pomme produit à Astigarraga.
Prix : 3 € HT


La Ferme D’Hotte

Basé dans l’Aude (Grand Est), la Ferme d’Hotte propose de nombreux produits autour de la pomme: jus, ratafia de pommes, eau-de- vie de cidre… et cidre tout court! Le cidre Saveur de pommier est fermenté en cuve, puis vieilli un an et demi en bouteille régulièrement retourné, selon la méthode champenoise. Le ratafia de cidre, non pétillant, surprend par sa saveur sucrée et son goût acidulé.
Prix : Saveur de pommier: 3,99 € HT


Cidre LEMASSON

Damien Lemasson conduit son exploitation cidricole en agriculture biologique. Son cidre Lataloche titre à 7,5 degrés d’alcool et présente la particularité d’être houblonné, ce qui lui confère un nez proche de la bière et une saveur surprenante.
Prix : 3,50 € HT


Manoir D’Apreval

Certifié en agriculture biologique depuis plus de dix ans, le manoir d’Apreval produit 45000 bouteilles de cidre par an. Le cidre brut Côte de Grâce 2018, léger et frais, est filtré avant d’être embouteillé. Sa prise de mousse s’effectue en bouteille et de manière naturelle.
Prix HT: 2,45 €


KYSTIN

Ce cidrier commercialisé uniquement dans les CHR a pensé tous ses produits pour les grandes tables et les étoilés. Son cidre XVII est élaboré avec 16 variétés de pommes et des châtaignes d’Ardèche. Ces dernières, qui sont concassées crues et macèrent plusieurs mois dans le jus des pommes, confèrent des notes de marron au cidre.
Prix au caveau : 10 €

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