Click and collect : l’ultime refuge des restaurateurs

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Avec la fermeture des restaurants, le service de commandes prépayées en ligne – dit click and collect – s’installe durablement dans les pratiques des consommateurs. S’il reste loin de compenser les pertes de chiffre d’affaires, il permet toutefois de conserver le contact avec sa clientèle et d’en attirer une nouvelle. Il pourrait également constituer à l’avenir une source supplémentaire de profit.

Click & Collect
Click & Collect

Il incarne l’accélération du digital dans le monde de la restauration. Avec les plate-formes de livraison, le click and collect est un système qui satisfait de plus en plus de clients… bien aidé, il faut le reconnaître, par les contraintes imposées par la pandémie de coronavirus. « Nous avons commencé la vente à emporter en click and collect lors du premier confinement, pour une clientèle de quartier. Mais nous ne faisons pas de livraison, c’est à l’opposé de notre projet basé sur quelque chose de responsable, explique Jérémie Zeltner, l’un des associés de Cadence, restaurant de l’avenue Parmentier (Paris 11e) proposant des produits frais et de saison. Nous nous sommes réinventés avec le confinement et le click and collect était la solution : il permet de garder le contact, de discuter avec le client et de lui donner des conseils pour réchauffer les plats. Même si nous n’avons jamais atteint des volumes extraordinaires, c’est symbolique et cela fait vivre la machine. » Le service de click and collect s’est développé ces derniers mois et de nouvelles offres ont vu le jour. L’entreprise Zenchef, qui propose un système de réservation pour les restaurateurs, s’est adaptée au contexte sanitaire depuis cet été. « Nous avons été sollicités pour proposer le click and collect en juin dernier. Nous avons développé ce service en 15 jours : la partie concernant les menus était déjà présente et nous avions aussi un système pour permettre le paiement en ligne, confie Xavier Zeitoun, cofondateur de Zenchef. Nous générons près de 2 M€ de chiffre d’affaires à travers le click and collect . Nous sommes aujourd’hui l’un des leaders de ce service. »

« À TABLE ! », la nouvelle solution de Zenchef

Cadence a d’ailleurs adopté cet outil proposé par Zenchef, afin d’être plus autonome et de mieux gérer les commandes prépayées. Le restaurant a notamment bénéficié d’une aide de l’État pour la digitalisation des petits commerces, ce qui lui a permis de souscrire plus facilement à ce logiciel de commandes. En décembre, la société spécialisée dans la réservation a également créé une nouvelle plate-forme de click and collect , « À table ! », destinée au grand public.

« Elle permet aux consommateurs de trouver les restaurants qui font de la vente à emporter, de payer directement et de venir chercher leur commande. Nous nous sommes lancés dans cinq villes – à Paris, Bordeaux, Lille, Lyon et Strasbourg – et le site génère des centaines de commandes par jour. Le trafic naturel continue à grossir et ce service reste gratuit pour les restaurateurs pendant que les salles sont fermées », expose Xavier Zeitoun. Depuis le second confinement, le click and collect semble s’être imposé davantage. « C’est flagrant, soutient le cofondateur de Zenchef. C’est un service qui s’est affirmé dans la pratique des consommateurs. Nous avons observé plus de 30 % de hausse par rapport à la période du premier confinement. »

Le constat est le même chez Bouillon Service. La brasserie de Pigalle (Paris 18e), dont les plats à réchauffer sont disponibles aussi dans son camion installé à République (Paris 3e), propose le click & collect depuis le 20 mai. Et l’enseigne a observé « une forte accélération » du service durant le confinement. « Le click and collect représente en moyenne 30 % de nos commandes. Mais en période de confinement, nous sommes plutôt autour de 40 ou 45 %. Depuis cet été, les gens anticipent et prévoient davantage leurs commandes. Le délai est plus serré et le client ne veut pas attendre, estime Emmanuel Coussen, directeur de Bouillon service. Je pense que le click and collect devient un véritable mode de consommation. Il y a de plus en plus de clients qui commandent ainsi de façon régulière. Cela permet de créer un contact supplémentaire, c’est un échange qui se rapproche davantage de la restauration à table. Le client retrouve les mêmes vendeurs sur les points de vente, ce qui renforce le lien. »

Le click and collect pour « fidéliser la clientèle »

L’enseigne parisienne de burgers PNY propose le click and collect depuis un an et demi. Les huit restaurants ont constaté une augmentation des commandes via ce système, depuis leur réouverture au printemps. « C’est un modèle qui a sa place. Il n’écrase pas les autres systèmes, mais de nombreuses personnes sont critiques vis-à-vis de la livraison, note Thomas Piot, directeur adjoint du PNY Oberkampf (Paris 11e). Cela permet aussi de fidéliser la clientèle, nous pouvons communiquer via le click and collect . Grâce aux mails, nous pouvons informer nos clients sur les nouveaux burgers et les nouveaux restaurants qui ouvrent. » Le click and collect peut également être un moyen d’attirer une clientèle plus jeune et souvent plus connectée. « La digitalisation permet à d’autres gens de découvrir notre restauration, constate Jérémie Zeltner de Cadence. Nous avons des clients qui nous découvrent exclusivement via le click and collect. Nous avons eu l’opportunité de toucher une clientèle différente, il n’y a aucune raison que cela s’arrête. Beaucoup de personnes seront frileuses à l’idée de revenir dans les restaurants, le click and collect est une option pour eux de manger de bonnes choses cuisinées par des chefs. » Si la plupart des clients sont pressés de retrouver leurs tables favorites, le monde de la restauration devra s’appuyer sur les nouvelles habitudes des consommateurs, mises en évidence durant la crise sanitaire.

« Même si nous n’avons jamais atteint des volumes extraordinaires, c’est symbolique et cela fait vivre la machine. »

« Sur le long terme les restaurants vont se mettre rapidement à se diversifier, cela va répondre à un problème structurel : des marges plus faibles, des charges plus importantes… Le business model doit être repensé. Mais il y a un enjeu fort pour les restaurateurs : garder un contact avec les clients », analyse le dirigeant de Zenchef, Xavier Zeitoun. Mais cette transition n’est pas évidente pour tout le monde. Notamment pour les restaurants dont le service en salle est le cœur de métier. « Nous avons proposé le click and collect au premier confinement, puis au début du second pour montrer aux gens que nous sommes présents. C’est davantage le côté solidaire que je trouve important. Mais sans les aides de l’État, ça serait difficile pour nous, admet Simon Horwitz, chef du restaurant gastronomique Elmer (Paris 3e). En temps normal, nous sommes plein le midi comme le soir. Nous avons une clientèle de gens sérieux et fidèles. Il y a toujours de la demande pour bien manger à la maison, mais la question sera de savoir si on peut satisfaire cette demande ? Est-ce que cela sera pertinent pour nous ? Il faudra voir le temps venu. »

« Top Chef » s’adapte au click and collect

Pour sa douzième saison, l’émission culinaire de M6 s’est conformée aux règles sanitaires en vigueur dans la restauration. La nouvelle édition de « Top Chef », diffusée à partir du 10 février, a donc repensé son épreuve de « la guerre des restos ». Les quatre jurés dégusteront toujours les plats des candidats dans chaque restaurant éphémère, mais les autres goûteurs découvriront leur assiette à domicile, à l’instar du click and collect. « “Top Chef” a toujours été une émission en capillarité avec la société française, alors cela nous semblait normal que les candidats de cette saison soient confrontés à la réalité de la restauration », expliquait au Huff Post Florence Duhayot, directrice générale de Studio 89 et productrice de l’émission, tournée durant le deuxième confinement. Les candidats de cette nouvelle version de l’épreuve « guerre des restos » seront donc jugés « majoritairement sur la vente à emporter, précise Romuald Graveleau, directeur des programmes de Studio 89. Cela les a contraints à réfléchir à comment créer des recettes adaptables aux contenants et transportables ».

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