Comment voient-ils l’avenir de la région dans 20 ans ?

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Nous avons demandé à plusieurs personnalités, des élus ou acteurs de l’économie du Massif central, comment ils voyaient l’avenir à l’horizon de notre numéro 8000, à savoir dans près de 20 ans.

La région Auvergne regroupe 1,359 million d'habitants. Image d'illustration.
La région Auvergne regroupe 1,359 million d'habitants. Image d'illustration.

Laurent Wauquiez, Marie-Agnès Petit, Pierre Desprat, Sophie Pantel… Que pensent les acteurs de la vie politique et économique de l’avenir du Massif central ? Ces sept personnalités nous partagent leur vision de la région d’ici 20 ans.

Laurent Wauquiez, président de la région Auvergne-Rhône-Alpes

« Cultivons l’identité auvergnate »

iLaurent Wauquiez est Président de région depuis 2016. Crédits : Charles Pietri.
Laurent Wauquiez est Président de région depuis 2016. Crédits : Charles Pietri.

« Lorsque le choix du nouveau nom de région s’est posé, j’ai souhaité que l’Auvergne figure en première place. Au sein de la nouvelle région Auvergne-Rhône-Alpes, mon exigence, ma priorité en tant qu’Auvergnat, a été que l’Auvergne trouve toute la place qu’elle mérite. Dans les 20 années qui viennent, bien des défis restent à relever pour faire de l’Auvergne un moteur pour notre Région. Elle recèle pour cela d’innombrables atouts. L’Auvergne est une terre singulière, riche, diverse, faite d’entreprises leaders, de filières d’excellence, de clubs sportifs au sommet. Mais d’abord d’habitants qui ont du tempérament et portent la fierté de leur territoire. La fierté d’un patrimoine naturel, architectural, culturel, industriel, mais aussi immatériel, qu’ensemble nous devons cultiver et préserver. À ce titre, le lien intime que nous avons noué avec notre terre auvergnate nous oblige.

Cette identité auvergnate, c’est notre fierté. Cultivons-la !

L’Auvergne dans 20 ans, c’est aussi penser l’Auvergne qui gagne. L’Auvergne qui impose qu’ensemble nous portions les grands projets qui bâtiront notre territoire de demain. En étant par exemple au rendez-vous de la transition numérique avec le dessein de connecter dès l’année prochaine 100 % du territoire. Et en maintenant et en développant nos grandes infrastructures de transport. En défendant nos industries et en accélérant la relocalisation de nos industries, ici, en Auvergne. C’est bon pour l’emploi, c’est bon pour l’environnement. Enfin, et c’est fondamental pour moi, assurer à l’ensemble de nos habitants, où qu’il habite, un égal accès aux soins. C’est la priorité qui guide mon action. Aujourd’hui, nous écrivons ensemble une nouvelle page de l’histoire de l’Auvergne. C’est ensemble que nous construirons une Auvergne qui gagne. »

Marie-Agnès Petit, présidente du conseil départemental de la Haut-Loire

« L’eau, un enjeu capital »

iMarie-Agnès Petit est devenue présidente du Conseil départemental de la Haute-Loire cette année 2021.
Marie-Agnès Petit est devenue présidente du Conseil départemental de la Haute-Loire cette année 2021.

« L’Auvergne est positionnée au centre de la France, ce qui en fait un territoire accessible et privilégié par son environnement. Ces atouts vont la propulser dans les 20 ans qui viennent au rang de destination touristique privilégiée. Non seulement par les Français, mais aussi par les Européens. Ils seront attirés par l’air pur, vivifiant et nos espaces sécurisés. Ils proposeront alors une très belle palette de prestations touristiques. D’ailleurs, avec mes trois collègues présidents de département (Allier, Cantal et Puy-de-Dôme), nous travaillons pour mettre en place cette offree touristique sur la scène internationale. Le message est simple : la Haute-Loire est un département attractif, innovant et décomplexé.

Il faut également considérer que nous allons être impactés par le dérèglement climatique ; ce qui pose des questions sur l’avenir de nos stations de sports d’hiver de moyenne montagne. Cela interroge également sur la préservation de la ressource en eau, richesse de notre département, tant sur le plan qualitatif que quantitatif. C’est un enjeu capital pour notre population agricole. Nous menons à bien le projet Haute-Loire 2030 qui vise à rendre le département attractif. Déjà la crise sanitaire a changé la donne. De plus en plus d’habitants du sud de la France viennent acquérir des résidences secondaires sur notre territoire.

Actuellement tout se vend comme des petits pains. Mais nos efforts ne sont pas seulement orientés vers le tourisme. Nous disposons d’un réseau de TPE assez dense. Nous devons donc assurer la relève de leurs chefs d’entreprise, notamment dans le monde agricole. C’est à nous de mettre les outils nécessaires pour accueillir les nouveaux chefs d’entreprise et leurs salariés. Je crois aussi au développement à venir de certains pans comme la filière bois. Je vois des projets très intéressants autour de la valorisation de cette ressource. »

Pierre Desprat, vice-président de la Marque Auvergne

« Davantage de décentralisation »

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« Je pense que l’Auvergne a toute sa place, à l’instar d’autres territoires comme la Corse ou la Bretagne, qui sont aujourd’hui unanimement reconnus pour la qualité de leur environnement, de leur gastronomie et de leur hospitalité. De plus, je pense que la région fait partie du peloton de tête des territoires les plus rassurants pour les consommateurs. Cela devient un atout dans un schéma général qui s’inverse.

Cela dit, il faudra accompagner cette évolution en redoublant d’efforts pour mieux accueillir les nouveaux arrivants. Pour ce faire, j’en appelle à davantage de décentralisation dans les décisions. L’avenir de la région réside donc dans son potentiel à attirer de nouveaux arrivants. Il faut juguler l’exode rural. De nouveaux habitants arrivent avec des projets de vie innovants et structurants. Aux territoires de les aider à trouver un logement, un travail pour le conjoint ou la conjointe. Le salaire n’est plus le seul argument, il faut leur proposer un projet. Il s’agit non seulement d’attirer de nouveaux habitants, mais aussi d’inviter nos enfants à rester au pays. Alors que, après avoir été formés, ils sont souvent courtisés par d’autres territoires. Pourtant, il existe aujourd’hui de nombreux métiers que l’on peut déporter. Et je pense que dans les années à venir nous verrons apparaître une foule de nouveaux métiers.

Nos fleurons économiques régionaux, comme Michelin ou encore Limagrain, continueront à se développer, souvent de manière différente. Mais je crois également au développement de nouveaux secteurs comme l’agro-bio. Nourrir différemment la terre, en limitant nos impacts polluants, est un enjeu de taille pour l’Auvergne. Contrairement à ce que pensent beaucoup, je crois que l’avenir sera moins connecté. J’estime que nous sommes allés trop loin dans l’hyperconnexion et que les Hommes reviendront à des relations plus humaines. »

Sophie Pantel, présidente du conseil départemental de la Lozère 

« Notre utilité est reconnue »

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« Les territoires ruraux et de montagne verront dans les années à venir leur excellence reconnue pour tout ce qu’ils apportent au pays et notamment autour de leurs aménités. Ils rendent de grands services environnementaux pour lesquels ils ne sont pas rémunérés. Auparavant, lorsqu’on demandait des crédits, nous avions l’impression de demander l’aumône. Aujourd’hui, notre utilité est reconnue. Tout est en train de s’inverser. Cette évolution se traduit par la présence de citadins de plus en plus nombreux qui viennent vivre sur notre territoire, attirés par l’environnement, l’absence de pollution ou de problèmes d’insécurité et par des logements moins onéreux. La qualité de vie de nos territoires est appréciée.

Ce phénomène se conjugue aux efforts que nous avons réalisés pour structurer les territoires afin de pouvoir accueillir de nouveaux arrivants. C’est le cas avec le développement de la fibre qui sera achevé sur tout le territoire en 2023. Depuis cinq ans, notre sol migratoire est devenu positif. Une récente étude de l’institut de l’élevage du Massif central (Climat et fourrage) montre que le climat méditerranéen progresse chaque année de 100 km vers le nord.

Notre département qui présente l’altitude moyenne la plus haute de France, apparaît comme une valeur refuge et je suis confiante en l’avenir. Il y a toutefois des préalables : le maintien des services, l’accès à la santé, au secours, résoudre la question du désenclavement ferroviaire et anticiper la question de la préservation de la ressource en eau.

Il faut aussi prendre en main le sujet du logement. Car nous subissons pleinement la pression des résidences secondaires sur le foncier. Avec l’aide d’étudiants nous mettons en place le projet Studio Lozère nouvelle vie, une cellule prospective. Cette année, nous travaillons sur la limitation de l’utilisation de foncier agricole pour construire des zones pavillonnaires. Nous projetons de recréer des hameaux avec des maisons à énergie positive. Elles seraient proposées en location à un prix abordable pour des habitants permanents. L’enjeu est d’attirer de nouveaux habitants. Actuellement, il y a 500 postes salariés non pourvus dans le département. »

Nicolas Nuger, président de la Marque Auvergne

« Un territoire d’avenir »

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« Bon nombre d’éléments vont modifier notre quotidien dans les deux prochaines décennies ! Pour autant, les Auvergnats devront cultiver leurs valeurs fondamentales. Car ils ont la chance de vivre sur un territoire d’équilibre qui privilégie la qualité de vie. Avec le dérèglement climatique, on peut penser qu’il deviendra difficile d’habiter en bord de mer et les mégalopoles feront fuir leurs habitants.

Nous bénéficierons pleinement des retours sur les investissements que nous avons fléchés sur la recherche et les pôles d’excellence dans des domaines comme la mobilité, la santé et l’environnement. La digitalisation va changer la donne dans beaucoup de domaines. Dans 20 ans, nous serons hyperconnectés et de nombreux robots interviendront pour effectuer à notre place des tâches pénibles ou complexes. Notre alimentation sera davantage organisée en circuits courts, ce qui ne sera pas forcément le cas dans toutes les régions.

Les Auvergnats ont sans cesse privilégié le collectif. Aussi nos valeurs de solidarité nous permettront de grandir ensemble sans clivage et avec l’opiniâtreté qui nous caractérise. Idéalement située et sachant composer avec ses atouts, l’Auvergne sera toujours un territoire où il fera bon vivre ! »

Bruno Faure, président du conseil départemental du Cantal

« Le regard a changé »

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« Je pense que dans 20 ans le Massif central aura connu un regain de population. Depuis 10 ans, notre département, comme plusieurs départements voisins, est parvenu à inverser le solde migratoire. Mais, avec notre moyenne d’âge élevée, en raison de la démographie, nous continuons à perdre 300 habitants par an. Avec la crise sanitaire, nous avons noté une augmentation plus nette des nouveaux arrivants. Cela nous laisse espérer une prochaine croissance de la population. L’Insee est optimiste sur ce point. L’arrivée de nouveaux concitoyens amène de l’innovation qui peut être utile à nos territoires.

Je rappelle que les premières expériences de télémédecine ont eu lieu dans le Cantal. Elles se développent aujourd’hui dans toute la France. Désormais, le regard a changé sur la ruralité et nos territoires apparaissent rassurants et protecteurs. En même temps des nouveaux atouts se concrétisent. Nous achèverons bientôt le déploiement de la fibre sur le département, ce qui développera considérablement les capacités de télétravail. Les produits cantaliens sont naturels.

Nous bénéficions d’une diversité de produits, parmi lesquels on recense de nombreux AOP et IGP. La mise en place de circuits courts nous permet de nous rapprocher de nombreux consommateurs. Il existe tout de même des menaces sur la mobilité. Sur nos territoires, elle reste indispensable pour le déplacement des hommes et des transports. Nos broutards qui sont expédiés en Italie, nos couettes Abeil qui se vendent dans toute l’Europe ou les ponts Matière installés à l’autre bout du monde ont tous besoin de transports efficaces. Nous souhaitons le développement ou simplement le maintien des lignes de chemin de fer. Mais nous voyons depuis de nombreuses années que les grands projets d’aménagement évitent le Massif central. Nous espérons tout de même que la transition climatique permette de redonner vie à des lignes abandonnées.

Je suis aussi inquiet à propos des mauvais procès faits à la consommation de viande. Nous les combattons en mettant en avant la qualité de nos produits. C’est aussi la raison pour laquelle je me suis opposé à la mise en place de repas végétariens dans les cantines du département. Certains enfants n’ont pas la chance de manger de la viande chez eux. Je ne vois pas donc l’intérêt de la remplacer par des steaks au soja brésilien. »

Lionel Chauvin, président du conseil départemental du Puy-de-Dôme

« Une qualité de vie inégalée »

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« La crise de la Covid-19 a profondément bouleversé notre civilisation occidentale et nos habitudes. Cependant, cette période difficile aura d’une part donné l’occasion à un grand nombre de Puydômois de porter un regard différent sur nos territoires et d’autre part de faire émerger des solidarités spontanées, de proximité, que nous avions à tort oubliées. Ce sont sur ces bases que j’aborde mon mandat, entouré d’une équipe composée de femmes et d’hommes de terrain passionnés et ayant pour ambition de mieux accompagner et protéger les Puydômois.

Ce défi, nous le relèverons afin que nos jeunes puissent évoluer dans 20 ans dans un département encore plus attentif, plus dynamique, plus audacieux et responsable.bPlus attentif, avec un département à l’écoute des grands enjeux quotidiens des Puydômois et Puydômoises de la naissance au grand âge. Dans 20 ans et encore plus qu’aujourd’hui, chacun sera en mesure, par exemple, de bénéficier d’une alimentation plus saine, issue de nos circuits courts résultant du travail de nos agriculteurs et éleveurs locaux.

Plus dynamique, grâce à l’efficience des synergies avec la grande région Auvergne-Rhône-Alpes qui permettront au département du Puy-de-Dôme d’apporter à ses habitants un équilibre optimal entre activité économique, touristique et préservation de l’environnement. Dans 20 ans, notre département offrira une qualité de vie inégalée et enviée grâce à son dynamisme économique et à l’authenticité de ses territoires naturels préservés ainsi qu’à ses deux Parcs naturels régionaux. Enfin plus audacieux et responsable, en mettant l’innovation et les nouvelles technologies au service de la protection de l’environnement. Dans 20 ans, le Puy-de-Dôme aura effectué sa transition énergétique et écologique et offrira à ses jeunes le meilleur avenir possible sur un territoire ayant d’ores et déjà le regard tourné vers les 20 prochaines années. »

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