Eddu, le whisky confectionné par la Distillerie des Menhirs, à Plomelin (Finistère), s'affirme comme l'un des plus spécifiques en France. D'abord, il est produit avec du blé noir ou sarrasin, ce qui peut paraître une gajeure. En effet, cette céréale ne ressemble en rien au blé. Elle n'appartient ni à la famille des Triticum, ni même à celle des graminées, mais à celle des polygonacées, plantes qui donnent des fleurs et produisent des graines. La culture de cette variété est peu répandue, car le rendement de la graine en farine est quatre fois moindre que celui de l'orge et à quantités égales avec l'orge, le sarrasin donne deux fois moins d'alcool. De la sorte, le prix de la matière première est huit fois plus élevé que celui de l'orge. Mais ce problème n'a pas arrêté Guy Le Lay lorsqu'il a commencé la distillation de ses premiers whiskies à la fin des années 1990. Le blé noir lui a paru le marqueur identitaire idéal pour concocter un whisky fortement ancré dans la Bretagne. La région reste la principale productrice de sarrasin (environ 5 000 tonnes par an), cette céréale qui sert à fabriquer les fameuses crêpes ou galettes. Ainsi chaque année, la maison Eddu requiert près de 200 tonnes de blé noir pour brasser une bière qui est ensuite distillée. Toutefois, si Guy Le Lay a opté pour le blé noir en raison de son origine celtique, ce n'est pas le seul critère qui a pesé dans son choix. Le blé noir offre une puissance aromatique appréciable, notamment dans son caractère fruité décelable dans la dégustation de Silver, la cuvée de base.
Le dernier-né tourbé
Le premier whisky Eddu Silver est arrivé sur le marché en 2002. À l'époque, il avait 3 ans d'âge, un minimum au regard de la législation. Depuis quelques années, la Distillerie des Menhirs a poussé ce vieillissement à 5 ans afin de renforcer la qualité du produit. Son antériorité lui permet désormais de proposer Eddu Gold, 10 ans d'âge, ou depuis plus récemment Eddu Diamant 15 ans d'âge qui présente des profils aromatiques plus complexes.
La dernière de ses cuvées, Eddu tourbé, a fait l'objet d'un long débat dans la famille avant d'être mise sur le marché. Guy Le Lay est demeuré longtemps hostile à l'idée de s'aventurer dans cette direction avant de se laisser convaincre par ses trois fils Erwan, Loïg et Kevin à qui il a transmis les rênes de l'entreprise dès 2006. Néanmoins, l'expression tour-bée de cette nouveauté demeure très discrète. La tourbe bretonne n'étant pas disponible, il n'était pas question pour la famille Le Lay d'en importer. Ils ont donc laissé vieillir cet alcool deux ans dans des fûts de whisky tourbé venant d'Écosse. La Distillerie des Menhirs nourrit de hautes exigences par rapport au respect du terroir. Les 200 tonnes de blé noir qu'elle achète chaque année pour ses distillations proviennent de Bretagne. Si elle concède à utiliser des fûts de chêne du Limousin pour le vieillissement, elle a mis un point d'honneur à créer en 2013 la cuvée Brocéliande, dont le vieillissement s'achève dans des fûts neufs issus des chênes de cette forêt.
Guy le Lay est très attaché à son village de Plomelin (Finistère) et aux fameux mégalithes qui y sont dressés. Il n'a d'ailleurs pas créé cette distillerie ex nihilo. Celle-ci a fêté ses 100 ans l'année passée et fut fondée par son grand-père. Elle a longtemps distillé des alcools locaux tels que le pommeau ou le lambic, sorte de calvados local. En 1986, Guy Le Lay a abandonné son métier de professeur de mathématiques, animé par la volonté de reprendre la structure familiale. Pour relancer l'activité en perte de vitesse, il a cherché le nouveau produit qui serait susceptible de relancer l'entreprise. C'est à la suite de la visite de la distillerie Dalmore, en Écosse que l'idée de concocter un whisky lui est venue. Vingt ans après la mise sur le marché de la première cuvée Silver, la Distillerie des Menhirs continue d'afficher un développement soutenu. Elle réalise un CA de 3,6 M€ et emploie 14 personnes. Quelque 17 000 bouteilles d'Eddu par an sont mises sur le marché et la distillerie est devenue une étape touristique puisque 15 000 visiteurs y passent chaque année.