En route vers la normalisation

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La ville, longtemps connue pour la bonne résistance de ses indépendants, est en train de subir l’assaut d’enseignes nationales. Une tendance qui s’accompagne d’une montée en puissance de la professionnalisation des acteurs de la restauration. Cette normalisation commerciale est aussi due à la bonne santé économique du département.

Le 19 mai dernier, les exploitants de bars et de restaurants d’Aurillac se sont réveillés un peu engourdis par une succession de confinements et plusieurs mois de fermeture. Les habitudes sont vite revenues. Sophie Tessier, qui exploite avec Thierry Naulet depuis 2017 le Diablo’Thym, une brasserie face à l’hôtel de ville, a vu son affaire redémarrer en flèche : « En raison des fortes pluies, nous n’avons ouvert que le 20 mai. À partir de là, les clients devaient réserver dès le matin pour avoir une place. Nous affichions complet en permanence. L’été dernier, la ville manquait d’off res. Les gens attendaient autour de la fontaine qu’une place se libère. Je pense que nous allons vivre la même situation cette année. » Comme au printemps dernier, la clientèle est revenue. Les terrasses ont vite fait le plein, notamment lorsque la météo est favorable. Thierry Perbet, président départemental de l’Umih et restaurateur dans la ville, se montre néanmoins plus nuancé : « Le soir, les restaurants fonctionnent plutôt bien avec un ticket moyen assez élevé, mais à l’heure du déjeuner, nous notons un net déficit de clientèle, notamment sur les repas ouvriers. »

Sophie Tessier est très satisfaite du démarrage du Diablo’Thym au mois de mai.

Selon le responsable du syndicat patronal, la gamelle a reconquis du terrain à la faveur du confinement. Il faut en effet savoir que les ouvriers peuvent choisir entre la « gamelle » (indemnité de 9 € versée par le patron) ou pour un repas au restaurant (14 € versés par le patron). « Contraints à opter pour la gamelle durant la fermeture des établissements, ouvriers et patrons ont pris des habitudes avec une formule gagnante-gagnante et moins chronophage qui permet de terminer plus tôt », précise Thierry Perbet. Ce syndrome dans les petites villes de province serait aussi sensible pour les restaurants que celui du télétravail dans certaines grandes métropoles. Additionné au ralentissement des repas d’affaires, des repas de groupes, ce phénomène vient toucher sérieusement l’activité lors du déjeuner. « En outre , ajoute Thierry Perbet, nous attendons toujours le retour d’une clientèle assez âgée qui montre encore une certaine méfiance vis-à-vis des sorties. ». Néanmoins, le président de l’antenne Cantal de l’Umih estime que l’été s’annonce dynamique en raison des réservations enregistrées par les hôtels et les hébergements de la région. Il regrette cependant que la météo, peu clémente du début juillet, ait ralenti le démarrage de la saison.

Ça bouge en périphérie

Globalement, le centre-ville retrouve ses habitudes, mais se découvre aussi un nouveau visage avec l’avancement des travaux de l’îlot des Frères-Charmes. Ce projet immobilier lancé par le groupe Quartus est en train de changer globalement la physionomie du cours Monthyon, le long des bords de la Jordanne. Cet ensemble, dont l’ouverture a été retardée par la crise sanitaire, devrait notamment accueillir une Fnac. Une installation qui confirme l’arrivée en force des enseignes nationales depuis une quinzaine d’années dans le centre-ville.

Mais c’est plutôt vers la périphérie que se tournent les regards des commerçants. Dans les conversations, le nom de la Sablière revient souvent. C’est le nouveau centre commercial qui vient d’ouvrir au sud-ouest de la ville. Beaucoup craignent que ce pôle perturbe l’équilibre actuel du commerce. La Sablière abrite notamment un hypermarché Carrefour, qui concurrence Géant, solidement implanté localement, mais aussi Leclerc et de nombreux supermarchés. Mais surtout, McDonald’s a ouvert un second restaurant aurillacois dans cette nouvelle zone. La part de la restauration rapide dans l’off re de la ville se normalise d’autant plus à grands pas que l’ouverture d’un Burger King est annoncée le 12 août en bordure de la D920 en direction d’Arpajon-sur-Cère. Le franchisé, Fouad Sarhi, originaire de la Creuse, dispose d’une expérience d’une trentaine d’années dans le secteur. Non loin de là, Au Bureau, autre enseigne du groupe Bertrand, projette aussi d’ouvrir un restaurant. Il semble qu’Olivier Bertrand souhaite affirmer la présence de ses enseignes dans le département de son berceau familial…

Également annoncé, Buffalo Grill qui voudrait s’implanter dans la zone. Mais près d’un an après l’annonce de l’arrivée de l’enseigne, il ne se passe rien. Buffalo peine peut-être à trouver un candidat à la franchise dans une ville où l’off re de restauration en matière de viande évolue à un très bon niveau.

Des nouveautés

Dans le centre-ville, des enseignes de bars et de restaurants ont changé au fil de la crise sanitaire. On peut citer pêle-mêle l’arrivée d’Anthony Delon à l’Abside ou la création de l’Ardoise (voir actualités), le déménagement du Mozart dans l’ancien Relais de la Rocade (voir encadré). Un nouveau restaurant coréen, Naka, vient compléter l’éventail de l’offre près du marché. C’est aussi le cas d’Imane Harchenif. Cette jeune Aurillacoise d’origine marocaine vient de créer le Chandelier, rue du Crucifix, où elle met en avant une cuisine du monde mêlant spécialités françaises, indiennes et maghrébines. Ce petit restaurant qui peut accueillir 45 personnes sur deux niveaux dispose aussi d’une terrasse de 20 places assises. Il faut aussi noter que les Auvergnats de Paris sont de plus en plus nombreux à tenter leur chance dans la ville. Ainsi, lors de la dernière décennie, on a pu assister aux installations de Nicolas Fernandes (Le Damier), Romain Prunet (Table(s) zé Komptoir), Géraud Terran (Côté Rives). Ils sont aujourd’hui à la tête de brasseries qui réalisent des performances respectables. À l’Umih locale, Thierry Perbet se félicite de cet apport extérieur et encourage d’autres Parisiens attachés au pays à tenter l’expérience, qu’ils soient patrons ou employés.

L’hôtel La Renaissance vient d’être rénové.

« Nous avons encore plusieurs affaires à transmettre dans la ville », assure-t-il. Cette professionnalisation des acteurs concerne aussi l’hôtellerie. On a ainsi vu Richard Moussié relancer de belle manière l’hôtel des Carmes. Les hôtels de la famille Lavergne, dont le Saint-Pierre, sont devenus des références en matière d’hébergement. L’année passée, Georges Brandt, originaire d’Aurillac, qui détient plusieurs hôtels dans le sud-ouest, est revenu dans sa ville natale pour créer le Zadig, un boutique-hôtel contemporain. Le renouvellement de l’hôtellerie se poursuit cette année avec le rachat du fonds de l’hôtel Renaissance (3*) par un investisseur qui a remis à neuf les 27 chambres et climatisé l’établissement. Il a confié la gérance de l’établissement à Lionel Soubrié, le chef de cuisine. Le restaurant adopte désormais un profil brasserie et reste ouvert toute la journée afin de mieux profiter de l’emplacement.

Le Mozart choisit la périphérie

Talent prometteur de la gastronomie à Aurillac, Alexandre Huguet Bataille a racheté la Rocade, au Giou-de-Mamou, en périphérie de la ville. Il y a déménagé son restaurant ouvert en 2018, rue des Carmes. Il conserve néanmoins cet emplacement qu’il exploite désormais avec deux employés sous l’enseigne les Midis d’Eléna. Dans cet ancien établissement, il se trouvait à l’étroit. Dans le nouveau Mozart, avec 25 places assises, s’il gagne peu en capacité d’accueil, il peut compter sur une belle terrasse, une vieille maison de charme et surtout sur un environnement bucolique tout en bénéficiant de la proximité de la N 122. Dans cette maison, Élodie, son épouse, qui dirige la salle et endosse le tablier de sommelier, présente ainsi 300 références de vins aux clients. Les clients peuvent même aller directement choisir les bouteilles exposées dans une pièce voisine.

Alexandre Huguet Bataille devant le nouveau Mozart.

Grâce à une armoire de distribution, la maison offre également la possibilité de déguster des grands vins au verre. Alexandre n’a pas augmenté les prix de ses menus (21 € au déjeuner ; 29-35 € et 45 € au dîner), toutefois son ticket moyen devrait connaître une hausse avec la déclinaison de nouvelles propositions en matière de vins et d’alcool premium. Le confort désormais offert au client lui permet ainsi de s’attarder. Élodie développe notamment deux propositions attractives d’accord mets-vins. En effet, une première formule d’accompagnement est déclinée à 15 € avec des vins simples tandis que l’autre affiche 60 € avec des grands vins.

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