Henry Marionnet, le pionnier

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En près de cinquante ans de carrière, le vigneron tourangeau, Henry Marionnet, a été pionnier dans de nombreuses avancées de la viticulture moderne. Avant les autres, il est parti à la recherche du goût du fruit. Il a aussi exhumé les vignes préphylloxériques avant de parvenir à réaliser des vins naturels convaincants.

Le monde du vin a tendance à se hausser du col. Certains domaines prestigieux vendent leurs bouteilles à des prix qui ont de quoi rendre jaloux les parfumeurs ; d’autres, tenant de la biodynamie, prennent des airs de sorciers pour évoquer la manière dont ils conduisent leurs vignes, certains apôtres des vins naturels portent aux nues des nectars suspects d’où émanent de forts relents d’écurie. Heureusement, il reste des vignerons qui gardent les pieds sur terre, à l’instar d’Henry Marionnet qui rappelle avec simplicité que le vin est fait pour être bu et apporter un plaisir immédiat au consommateur. Il est devenu la référence de la Touraine dès les années 1970 en imaginant des vins moins tanniques, prêts à être consommés rapidement, mais aussi accessibles. Ces atouts lui ont permis d’imposer largement ses bouteilles dans la restauration parisienne, et notamment dans les grandes brasseries.

Certes, la grande gastronomie a snobé au départ les vins d’Henry Marionnet. L’argument du rapport qualité-prix a ses limites sur certains marchés. Pourtant, grâce à une promotion inattendue, nombre de tables étoilées ont commencé à lui commander régulièrement ses vins. L’acteur et metteur en scène, Robert Hossein, initié par Jean Carmet, était devenu un amateur inconditionnel de son gamay. À chaque fois qu’il se rendait au restaurant, il exigeait à haute voix du Marionnet. Les digues ont ainsi cédé. Elles se sont encore relâchées lorsque Henry Marionnet a décidé de produire la Cuvée M, un blanc plus prestigieux, vendangé en légère surmaturité. Peu après son apparition sur le marché, cette cuvée a été classée Meilleur sauvignon du monde par le Gault et Millau. « À partir de là, tous les établissements étoilés de France m’en ont commandé », se souvient en souriant le vigneron.

Le fruit, rien que le fruit

Dans son domaine de la Charmoise, on ne trouve pas de fûts. Henry Marionnet assure avec ironie qu’il ne fait « pas du vin avec des glands, mais avec du raisin ». Le vin est élaboré en cuves thermo-régulées pour préserver le fruit. Auparavant durant les vendanges, il ne dépasse jamais un rendement de 50 hl/ha et surtout, il fait ramasser le raisin en cagettes qui sont versées une à une dans les cuves. « Ainsi, explique le vigneron, le jus fermente et chaque grain de raisin devient du vin. J’ai coutume de dire qu’on obtient des grains de vin à l’issue de la fermentation. »

« On obtient des grains de vin à l’issue de la fermentation. »

Henry Marionnet, sans se soucier de la loi Evin, explique que les consommateurs ne se lassent pas de ses vins fruités et expressifs après le premier verre et raconte même volontiers que ses amis bourguignons, après un mariage qui a duré plusieurs jours, ont rebaptisé « les vins Marionnet, les vins qui dessoûlent » en référence à leur légèreté. Précisons tout de même qu’aucun étayage scientifique, alcootest à l’appui, n’a été apporté à cette assertion audacieuse. Mais l’audace fait partie de ce personnage, en reprenant le domaine familial de Soings (Loiret-Cher) et en misant tout sur le vin plutôt que de mutualiser les risques, comme le faisait son père avec la culture de l’asperge ou de la fraise. C’est encore lui qui relance la production de vignes préphylloxériques en plantant le gamay ou d’autres cépages locaux à même le sol, sans porte-greffe. Ainsi, à travers des cuvées comme Viniféra ou Renaissance, il fait redécouvrir une autre expression des cépages, « le vrai goût du vin », selon lui, mais aussi un exemple rarissime dans le vignoble français. Toutefois, ce vigneron, à 75 ans passés, a les yeux tournés vers l’avenir, mais il a toujours été inspiré par ses racines. Bien avant les autres, au début des années 1990, il a apporté du vin nature sur les tables, notamment avec les cuvées Renaissance ou Premières Vendanges. Mais en ce domaine, il ne s’est pas contenté d’essayer, il a pleinement réussi.

Contrairement à beaucoup de vins nature, les siens sont stables, supportent des coups de chaleur et vieillissent agréablement. « J’ai un secret, il est scientifique, confie-t-il. En fin de fermentation, J’analyse mon vin toutes les trois heures. À cette période, toutes les nuits je me lève plusieurs fois pour surveiller mes cuves. » Désormais, Henry Marionnet n’est plus seul à conduire son vignoble de 52 ha, sans compter les 13 ha qu’il détient dans les coteaux du Cher. Son fils, Jean-Sébastien, dirige le domaine et les importantes exportations de la maison. Henry Marionnet a aussi d’autres responsabilités. C’est lui qui a replanté 12 ha de vigne préphylloxériques (8 ha de romorantin et 4 ha de pinot noir) dans le domaine de Chambord à la demande de son directeur général Jean d’Haussonville.

www.henry-marionnet.com

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