Les glaces, crèmes glacées et autres sorbets activent des émotions et des instants de plaisir chez les enfants comme chez les adultes. Nous succombons tous à l'envie de déguster un cornet ou une coupe de glace. Durant l'été et tout au long de l'année, la passion des Français pour ce dessert ou entremets sucrés est intemporelle (voir encadré). Les glaces représentent un marché très dynamique depuis une décennie, avec une croissance annuelle de 2,9 % de chiffre d'affaires, bien au-delà de la moyenne annuelle du marché des produits de grande consommation. Une progression qui s'accentue encore en ce début d'année (janvier-février) : la consommation de glaces a enregistré une hausse de 7 % en valeur par rapport à la même période en 2021. « Nos nouveautés ont généré en moyenne 11,7 % de notre CA en 2021 ! Cette saison encore, nos adhérents se mobilisent pour proposer de nouvelles expériences de dégustation axées sur le plaisir, driver du marché, et des produits qui s'inscrivent dans une consommation plus responsable en lien avec les attentes actuelles des Français », expose Sylvie Galliaerde, président de l'Association des entreprises des glaces (AEG), réunissant huit industriels leaders du marché. La consommation de glaces s'effectue régulièrement hors domicile. Les achats se font chez un marchand de glace indépendant (36 %), au restaurant (17 %) et dans des chaînes de fast-food, snacking ou vente à emporter (6 %), révèle le sondage Opinionway pour AEG, réalisé en février 2022. Pour les professionnels de la restauration, la glace artisanale faite avec des produits locaux s'avère aujourd'hui une offre de plus en plus incontournable.
Naturalité et produits locaux
Créée au début des années 2000, la Maison Alpérel fabrique des sorbets et des glaces artisanales - sans colorants et sans conservateurs -qu'elle propose à des restaurateurs français, principalement en Île-de-France. C'est d'ailleurs en grande partie avec des produits issus de la région parisienne que le glacier se fournit. Implantée à Trappes (Yvelines), l'entreprise confectionne ses glaces « à l'ancienne » et source tous les producteurs avec lesquels elle travaille. « Le local est une tendance lourde, tout comme le naturel. Les consommateurs ont besoin de naturalité, ils réfléchissent davantage à ce qu'ils vont consommer. Tout ce que nous pouvons trouver à côté de notre site, nous le prenons… mais il faut que ce soit bon », précise Karima Rafik, présidente-directrice générale d'Alpérel. La maison des Yvelines offre une gamme de 30 glaces et sorbets (en bacs de 2,5 litres, d'environ 20 € en moyenne) destinés aux restaurateurs. Le caramel est fabriqué dans les ateliers d'Alpérel, le lait provient de la ferme (voisine) de Grignon, tandis que la crème est issue de la laiterie Pamplie, dans les Deux-Sèvres. Si les ingrédients utilisés ne sont pas tous produits en France, le choix des producteurs se révèle fondamental pour Alpérel. « Nous ne pouvons pas trouver de vanille ici, mais notre producteur, à Madagascar, est certifié RSE. Notre mangue, par exemple, vient de La Réunion et non de l'Inde. L'éthique est importante pour nous », soutient la P-DG de l'enseigne.
Les fournisseurs et les grossistes jouent également la carte du local et du naturel. « Les produits La Laitière sont fabriqués depuis des années en Bretagne. À travers cette marque, nous travaillons des parfums proches du fruit, précise Émilie Charlet, chef de marché des glaces restauration hors foyer chez Sysco France. L'ensemble de la gamme a été retravaillé, nous utilisons les arômes naturels des ingrédients et des fruits. La liste des ingrédients a été raccourcie pour avoir un goût plus proche de l'arôme principal. » Afin de répondre aux nouvelles attentes des consommateurs, les sorbets de La Laitière sont désormais 100 % végan. Quant aux crèmes glacées proposées par cette marque, le lait est collecté dans des exploitations situées à moins de 30 km du site de production. Sysco propose également trois autres marques de glaces destinées aux CHR, via le vrac Nestlé (le plus accessible), l'offre premium Movenpick (dont le lait provient des fermes alpines) et Glace artisanale, qui s'appuie sur un savoir-faire d'artisan avec 41 parfums, dont 11 saveurs régionales permettant d'accompagner les restaurateurs dans leurs créations locales, à l'instar du pruneau à l'Armagnac, de la chicorée ou encore de la verveine verte du Velay.
Mythe du marchand de glace
Depuis 2016, la maison Alpérel est reconnue « artisan de qualité » par le Collège culinaire de France. Afin de concevoir ces différentes recettes et trouver un bon équilibre sans ajouter trop de sucre, elle fait appel à des chefs ou à des Meilleurs ouvriers de France (MOF). « Aujourd'hui, nous souhaitons faire des créations qui permettent de retrouver des saveurs d'antan. Il faut que cela ait du goût et qu'il y ait un sens », souligne la cheffe de l'entreprise d'origine auvergnate. Une histoire symbolisée parfaitement par le mythe du marchand de glace, très porteur dans le cœur des consommateurs. « Près de la moitié des Français considère que le meilleur moment pour se laisser tenter par une crème glacée est lors des vacances en famille, chez le marchand de glace », note l'Association des entreprises des glaces. Les restaurateurs peuvent aussi s'approprier ce symbole en installant leurs bacs devant leur établissement. À Paris, le glacier Berthillon incarne pleinement ce mythe devenu réalité. En 1954, Raymond Berthillon décide d'utiliser la turbine à glaces qu'il avait reçue quelques années plus tôt. Il élabore ainsi des glaces et des sorbets artisanaux « avec des produits de haute qualité », vendus à l'entrée du café-hôtel détenu par sa belle famille, au 31 rue Saint-Louis-en-l'Île (Paris, 4e). Patrimoine gourmand de l'île Saint-Louis, puis de toute la capitale, Berthillon est devenue « une véritable institution », selon les mots d'Anne Hidalgo, et demeure une référence en matière de glaces gastronomiques. Aujourd'hui, plus de 140 restaurants, brasseries, chocolatiers et épiceries de luxe proposent des glaces élaborées rue Saint-Louis-en-l'Île.
Moment de plaisir
Les glaces possèdent ce côté « madeleine de Proust » et activent un « pouvoir heureux et nostalgique de remonter le temps », estime l'AEG. Près de 80 % des Français déclarent avoir de bons souvenirs d'enfance associés à la glace. Ils ont apprécié durant le confinement le côté cocooning apporté par une onctueuse crème glacée, facteur symptomatique de la crise sanitaire. Durant celle-ci, 49 % des Français ont trouvé du réconfort en en mangeant. La notion de plaisir est donc primordiale. Nous sommes 86 % à manger des glaces par plaisir et gourmandise. Lors d'une dégustation hors domicile, le goût est aussi plébiscité par les Français (75 %). Et pour cela, l'innovation est un atout. « Nous faisons des tests avec des restaurateurs. Parfois ce n'est pas parfait et nous nous ajustons. J'ai beaucoup de demandes pour des créations avec des épices. C'est le début, mais certains chefs veulent des épices qu'ils cherchent eux-mêmes dans les quatre coins du monde », confie la présidente d'Alpérel, Karima Rafik. La personnalisation, aussi, est importante pour certaines enseignes de restaurants. « Nous pouvons leur proposer des sorbets pour faire des milk-shakes ou des smoothies. Ils recherchent la différence, les restaurateurs n'ont pas de temps à perdre. Et avoir des produits onctueux est toujours un plus », conclut Émilie Charlet du grossiste Sysco France.
L'été… Et toute l'année !
Si 47 % des Français consomment de la glace uniquement l'été, ils sont 52 % à en consommer toute l'année, hiver compris, selon l'enquête Opinionway en février 2022. Les Français sont donc partagés, deux écoles s'opposent sur la possibilité de déguster des bâtonnets, des sorbets, des coupes ou des cornets glacés durant les périodes de froid. Quoi qu'il en soit, durant chaque saison, près d'un consommateur sur deux (au minimum) est concerné par une envie de glace. « Pour plus de la moitié » des Français, « la glace représente un plaisir intemporel », analyse l'AEG. L'hiver ne semble donc pas donner froid aux papilles de tout le monde.