La brasserie Flottes mise sur les monnaies virtuelles

  • Temps de lecture : 6 min

Les Aveyronnais sont attentifs aux nouvelles technologies. La Brasserie Flottes détenue et exploitée par des Rouergats est le premier restaurant français à accepter les paiements en bitcoin tout en éditant sa propre monnaie virtuelle, le Flottescoin. Explications autour d’un dispositif ingénieux qui va permettre d’attirer une clientèle fortunée en quête de dépenses.

Le 20 janvier, la Brasserie Flottes mettra en circulation sa propre monnaie virtuelle, le Flottescoins. 10 millions de Flottescoins ont ainsi été émis par la société de consultants Humans 4 help, spécialisée dans la digitalisation qui a mis au point ce système avec le gérant du restaurant, Tony Calderara. Chaque Flottescoins présente une valeur unitaire de 1 centime d’euros, mais ce cours sera sans doute amené à varier dans les mois qui viennent en fonction de l’intérêt du public pour le phénomène. La Brasserie Flottes détient à ce jour 1 million de Flottescoins. Les 9 millions restants pourront être attribués par H4H à d’autres restaurateurs qui désirent utiliser cette monnaie virtuelle.

Un dispositif attractif

Elle présente en effet deux intérêts majeurs. Il s’agit d’abord pour la brasserie de fidéliser ses clients en leur offrant du cashback (ristourne en forme d’avoir). L’établissement s’apprête ainsi à redistribuer 10 % de la valeur faciale de l’addition sous forme de en Flottescoins. Les clients pourront alors utiliser cette monnaie chez Flottes, mais également dans d’autres restaurants susceptibles d’opter à l’avenir pour ce moyen d’échanges.

Mais le principal intérêt de ce nouveau système est d’être lié au bitcoin. A partir du 20 janvier, Flottes acceptera les bitcoins dans son annexe, le Petit Flottes, actuellement ouvert en vente à emporter. Dès que la situation permettra de revenir à la normale, les clients pourront payer en bitcoins dans l’ensemble de l’établissement. Mieux, de l’autre bout du monde, il est d’ores et déjà possible de réserver un repas, de le payer en bitcoins et de venir le consommer dans plusieurs mois. Pour encourager cette pratique qui amène rapidement de la trésorerie, la Brasserie Flottes et son partenaire, H4H ont mis en place sur le site de l’établissement un mode de visite virtuelle où il est possible depuis l’autre bout du monde de se promener dans la brasserie, de s’asseoir à une table, de visualiser les plats et les cartes.

L’intérêt d’accepter le bitcoin

Les encaissements en bitcoins sont rendus possibles via H4H qui les rembourse immédiatement au cours réel au restaurateur. “Beaucoup de personnes de par le monde détiennent des bitcoins, explique Tony Calderara. La valeur de cette devise virtuelle a beaucoup progressé ces derniers mois (voir encadré). Avec l’incertitude économique liée à la crise de la Covid 19, cette monnaie qui était d’abord spéculative est devenue une valeur refuge. Changer ses bitcoins en euros et en dollars expose à de lourdes taxes qui obèrent fortement la valeur. L’idéal est de pouvoir dépenser ses bitcoins; ce qui reste très difficile. En France, pratiquement personne n’accepte cette monnaie alors qu’aux Etats-Unis, déjà 10% des commerces le font. J’ai voulu prendre de l’avance. Il y a quarante ans, les gens se montraient sceptiques avec la carte bleue. Aujourd’hui, ce moyen de paiement domine les échanges mondiaux de biens de consommation. Je ne veux pas prendre le train en marche, mais y monter dès maintenant.”

Pour Flottes, le fait d’accepter les bitcoins peut générer de nouveaux flux. Avec habituellement 70 % de clientèle issue du continent américain, la célèbre brasserie de la rue Cambon (Paris 2e) a l’opportunité de tirer parti de l’acceptation de cette monnaie virtuelle. Même si dans un premier temps, il ne faut pas attendre de miracle, dans le cadre d’un retour à une vie normale et et de l’activité touristique, l’efficacité de ce levier commercial pourrait en surprendre plus d’un. D’autre part, la prise de risque du restaurateur reste mesurée puisque les versements en bitcoins sont immédiatement compensés en euros par H4H. C’est aussi un progrès car comme l’indique Tony Calderara : “Auparavant les paiements en bitcoins étaient quasiment impossibles car il fallait attendre plus d’un quart d’heure pour une validation. Notre partenaire est parvenu à surmonter ce handicap.”

Une initiative aveyronnaise

Il faut ajouter qu’en tant que pionnier et cobaye de ce système, Flottes a négocié une absence de versement de commission à H4H, une aubaine pour un établissement qui a honoré près de 60 K€ de frais de commission de cartes bancaires en 2019.

Ce dispositif se limite avant tout à un atout marketing. En jouant avec les monnaies virtuelles, la Brasserie Flottes n’évite aucun prélèvement fiscal. Une TVA normale est reversée à l’Etat sur les règlements en bitcoins et les sommes encaissées sont systématiquement inscrites au CA du restaurant.

Pour Christian Valat qui a racheté, il y a deux ans, avec deux autres Aveyronnais, le chef Sébastien Bras et l’entrepreneur Jean-Marc Calvet, la Brasserie Flottes à la famille éponyme, l’intérêt est aussi publicitaire. Elle permet d’attirer l’attention des médias sur l’adresse de la rue Cambon et par ailleurs disposer d’une monnaie virtuelle à son nom qui est susceptible d’être utilisée par d’autres restaurants, représente une bonne affaire en termes d’image.

www.humans4help.com

Encadré

Le bitcoin, un soufflet qui menace de retomber à tout moment

Le bitcoin est une monnaie virtuelle créée en 2008. Cette devise a d’abord laissé le marché sceptique, connaissant des débuts difficiles. Sa valeur n’a pas dépassé les 1 € avant 2011. Son cours a ensuite connu une progression qui prenait souvent la forme de montagnes russes allant par exemple jusqu’à grimper jusqu’à 15 000 € en décembre 2018 avant de retomber sous les 3 000 € un an plus tard. Mais la crise de  la Covid 19 a dopé les cours à partir du mois d’octobre. Ainsi, en moins d’un mois (entre le 13 décembre 2020 et le 8 janvier 2021), sa valeur d’échange en euros est passée de 15 798 € à 33 272€, accusant ainsi une hausse de 110 %. Depuis lors le soufflet est un peu retombé. Le 13 décembre, le bitcoin se changeait à 28 660 €. Naturellement à ce stade, cette devise est devenue un poids non négligeable de l’économie. Elle représentait au 1er janvier 2021 une capitalisation globale de 436 milliards d’euros. Aujourd’hui, bien des porteurs sont tentés de quitter la table de jeu à l’image de ces investisseurs de la première heure décrits par le magazine Le Point qui ont égaré leurs codes et ne peuvent plus accéder à leur formidable magot.

Il faut d’ailleurs préciser que de convertir ses bitcoins en euros n’est pas gratuit. Au-delà d’une valeur de 300 €, l’Etat prélève 30 % de la valeur; ce qui est dissuasif. Ainsi par le monde, il existe de nombreux détenteurs de bitcoins potentiellement riches qui cherchent à dépenser leur portefeuille, manière de refiler la patate chaude à leur interlocuteur sans passer par la case imposition. Reste à savoir si le commerce s’ouvrira plus largement à cette devise qui présente tout de même une réputation sulfureuse, notamment en tant que monnaie d’échanges sur le Darknet. Il convient aussi de préciser que de nombreux économistes considèrent cet échafaudage financier virtuel comme une pyramide de Ponzi qui menace de s’écrouler à tout moment.


PARTAGER