La Coupe du meilleur pot prend de l’altitude

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La famille Fracheboud fêtera l’année prochaine son demi-siècle à la tête de la Bonne Franquette. Elle vient de rénover son restaurant afin d’accueillir dignement la Coupe du meilleur pot, l’un des plus prestigieux trophées bistronomiques parisiens.

Depuis sa création en 1954, la Coupe du meilleur pot n’avait jamais pris autant d’altitude que cette année. Elle est désormais juchée au sommet de Montmartre, à la Bonne Franquette, propriété de Patrick et Luc Fracheboud. Il est même fort possible qu’elle s’attarde dans ces murs hospitaliers. En raison de l’épidémie, la coupe n’a pu être officiellement remise et le jury de l’Académie Rabelais devait décider le 16 juin si la passation du trophée pourra se réaliser à la rentrée ou sera exceptionnellement validée pour une période de deux ans. Quoi qu’il en soit, la distinction devrait être bien accueillie. La famille Fracheboud a mis à profit la période du confinement pour mettre de plain-pied l’établissement en arasant les quelques marches qui séparaient autrefois les deux salles. Désormais, les 200 places assises du restaurant peuvent accueillir les personnes à mobilité réduite. L’enseigne a gagné de la hauteur sous plafond et de la luminosité. Une scène traversante devrait accueillir les artistes montmartrois. Depuis 1982, Patrick Fracheboud projetait cette transformation sans cesse repoussée. La mise à l’arrêt de l’activité touristique a constitué une fenêtre de tir idéale pour passer à l’acte. Tous les membres de la famille, Luc en tête, ont retroussé leurs manches pour prendre pelles et pioches avant de trouver un entrepreneur qui les aide actuellement à aboutir cette rénovation. C’est le grand-père de Luc, Maurice, originaire de Savoie et ancien directeur du Moulin Rouge, qui avait acquis cette maison en 1971. Au début des années 1980, son fils Patrick l’a rejoint. Cet ancien assistant de Jacques Delors a alors changé de carrière pour reprendre en main la gestion d’une main ferme, tout en veillant à maintenir l’âme de ce lieu chargé d’histoire. Devenue en 1925 la Bonne Franquette, cette adresse de la rue Sainte-Rustique est fréquentée par les touristes du monde entier, mais les habitants du village de Montmartre y gardent leurs habitudes. Luc, 35 ans, représentant la troisième génération, a rejoint la maison officiellement en 2010. Mais à 14 ans déjà, il donnait un coup de main en cuisine hors période scolaire.

« Je ne me suis jamais situé dans la rupture. »


À l’âge de 16 ans, il a obtenu sa première fiche de paie de serveur. « C’est mon grand-père, plus que mon père, qui m’a formé, indique Luc. Il me voyait comme l’avenir de cette maison. Quand il était content de moi, il me disait qu’un jour je serai à la tête d’une douzaine de restaurants. »


DEUX ÉTABLISSEMENTS

Chez les Fracheboud, la transmission du flambeau de génération en génération s’est toujours effectuée en douceur. C’est peut-être dû à la complémentarité des caractères. « Mon père et moi sommes toujours d’accord sur les fondamentaux. On peut avoir des divergences sur les détails, mais il a toujours l’art d’arrondir les angles, reconnaît Luc avec humilité. En outre, je ne me suis jamais situé dans la rupture avec la prétention de faire mieux que lui. »

Luc est passionné par son métier, n’est jamais aussi heureux que durant les affres du coup de feu. Il met son énergie débordante au service de la conduite des équipes. En période normale, il gère plus de 55 fiches de paie, si l’on compte les extras et les artistes employés par les deux établissements de la famille. Patrick Fracheboud est aussi propriétaire des Noces de Jeannette (Paris 2e). Luc l’aide dans la gestion de l’établissement, mais reste concentré opérationnellement sur la Bonne Franquette. Il est revenu dans la maison pour seconder son père, après avoir été diplômé d’une école de commerce parisienne. Mais avant ce retour, il a travaillé dans de nombreux établissements parisiens, via les bureaux de placement de la rue Montorgueil pour découvrir toutes les facettes du métier.

Contrairement à beaucoup d’établissements de la Butte, la Bonne Franquette ne dépend pas entièrement du tourisme. La clientèle locale assure près de 50 % de la fréquentation. Ce virage a été pris en collant aux promesses de l’enseigne. La Bonne Franquette propose une cuisine simple, mais réalisée avec des produits d’exception. Depuis près de quinze ans, Patrick Fracheboud fait figurer sur sa carte le nom de ses prestigieux producteurs, comme Christian Parra ou la boucherie Pinel. La carte des vins bénéficie aussi d’une belle réputation avec près de 200 références triées sur le volet. C’est la grande passion de Patrick, qui compte parmi ses amis le gratin de la sommellerie parisienne à commencer par son président, Jean-Luc Jamrozik. La cave de l’établissement recèle aussi un grand nombre de bouteilles non commercialisées. Parmi elles, on remarque les coups de cœur du maître de maison, mais aussi une jolie collection de vins de Savoie. La famille est en eff et restée fidèle à son berceau régional de Samoëns (Haute-Savoie). Elle y possède encore une maison où Luc aime aller se ressourcer régulièrement.

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