La saveur du Pays basque

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Il symbolise le Pays basque à lui tout seul. Le piment d’Espelette fait partie des rares produits du terroir qui ont réussi à s’inviter largement dans les réflexes des cuisiniers pour assaisonner les plats.

Le succès du piment d’Espelette n’enlève rien à la qualité du produit. Aujourd’hui, sa tradition fermière intacte est garantie par une AOP. Depuis le XVIe siècle, le piment s’est installé sur la zone, importé par les flottes coloniales. De manière ancestrale, sa culture s’est concentrée autour d’Espelette, dans les terres du Pays basque. « Traditionnellement, les femmes le cultivaient dans les potagers et l’utilisaient déjà comme condiment. Car le poivre était trop cher ici. Le piment a toujours servi à assaisonner les salaisons notamment. Mais il était surtout ancré dans la consommation quotidienne », explique Maialen Sarraude, animatrice au Syndicat du piment d’Espelette AOP.

Ce sont les foires d’Espelette qui ont permis au piment de gagner en notoriété. « En février, on y vendait les plants et en octobre, on proposait la poudre aux salaisonniers-charcutiers. » Ainsi, depuis cinquante ans, la fête du piment d’Espelette se déroule à cette époque-là. Mais avant de se retrouver sur les étals des marchands du village d’Espelette, « véritable plaque économique du piment », le fruit devait observer tout un cycle de transformation. D’abord récolté, il était ensuite séché au four à pain. « Les ancêtres faisaient cuire le pain, puis laisser les piments dans le four encore chaud. On le laissait en maturation sur des cordes pendant quinze à trente jours, accrochés aux murs des maisons. Et enfin, on le broyait au mortier pour en faire une poudre. »


Piment d’Espelette poudre
La poudre du piment d’Espelette. ©Syndicat du piment d’Espelette AOP

TRADITION FERMIÈRE

Cette variété de piment venue du Mexique nommée « gorria » s’est enlacée dans la culture locale. « Nous tenons à garantir une sélection fermière de nos piments. Chaque producteur sélectionne ses plus beaux piments et garde les graines d’une année sur l’autre pour les semer », précise Maialen Sarraude. Ainsi, le piment d’Espelette a su garder au fil des décennies son ADN et son côté rustique qui fait tout son charme. Pour la saison 2019-2020, ils étaient 192 producteurs, pour six transformateurs et 11 reconditionneurs, à produire 226 t de poudres agréées et 275 ha plantés (près de 5 millions de pieds). « Auparavant, le piment était une activité secondaire. En général, les agriculteurs élevaient aussi des brebis pour faire l’ossauiraty. Mais aujourd’hui, c’est une activité principale pour beaucoup. 40 % ont une double activité, mais 60 % sont totalement dédiés à la culture du produit. » La récolte se déroule entre le 15 août et le 1er décembre et se fait uniquement à la main. Puis les piments sont triés, nettoyés, maturés sous abri, étalés sur des clayettes durant quinze jours au minimum.

Le four à pain a laissé place au four type séchoir à tabac. « Ils restent entre quarante-huit et soixante-douze heures à une température comprise entre 50 et 55 °C. » Les pédoncules sont ensuite ôtés du fruit, et le produit finit broyé en poudre. Mais pour porter l’AOP, le piment d’Espelette doit passer entre les mains et dans le palais d’experts. « Chaque lot est dégusté par un jury composé de producteurs et d’amoureux du piment. » La couleur, la qualité, l’aromatique, la qualité et l’intensité du piquant sont jugés pour attribuer l’AOP. Aujourd’hui, 97 % de la production se vend sous forme de poudre, certains piments étant encore valorisés en corde. Avec ses arômes de tomates séchées, de poivrons et son intensité qui s’accordent avec les palais occidentaux, « il apporte de la chaleur mais ne brûle pas ». Un condiment singulier qui incarne à lui tout seul le caractère du Pays basque.

récolte piment d’Espelette AOP
La récolte se déroule entre le 15 août et le 1er décembre. © Syndicat du piment d’Espelette AOP

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