J’ai le sentiment que le réparateur de ma télévision a un tantinet forcé sur le réglage du jaune lors de son dernier passage. Cette couleur envahit l’écran depuis deux mois. 50000 à 100000 personnes, soit 0,15% de la population française, entendent conduire les inflexions économiques de la France. Jusqu’à présent, je pensais naïvement que les 20,7 millions de voix recueillies par Emmanuel Macron au second tour de l’élection présidentielle, confortées par une solide victoire aux législatives, avaient réglé la question du cap politique. On peut penser que si ces foules avaient défilé paisiblement, elles auraient recueilli l’indifférence polie du public et les gilets jaunes auraient retrouvé leur place dans les boîtes à gants en l’espace de deux semaines. Mais avec la violence, la casse, l’affaire prend une tout autre dimension. Samedi dernier, le mouvement a bloqué des imprimeries, molesté des journalistes. On imagine ce que feraient ces protestataires s’ils arrivaient au pouvoir. L’économie, elle-même, qui misait sur une éclaircie fin 2018 et début 2019, fait grise mine. Laurent Gillard, patron de Léon de Bruxelles, chiffre le manque à gagner de son enseigne, imputable aux gilets jaunes, à 1,5 million d’euros l’année passée... comme s’il avait fait une croix l’année durant sur un de ses 82 restaurants. Combien de samedis devra-t-on encore écouter ces slogans haineux et contradictoires dont le seul trait commun est ce fameux référendum d’initiative populaire et le parfum de poujadisme qui l’accompagne? C’est pourquoi, il faut prendre le grand débat qui débute très au sérieux et y faire entendre sa voix même lorsqu’on ne descend jamais dans la rue.