L’ail sous toutes ses coutures

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Basés dans la Drôme à Crest, Fanny Boutarin et son mari Stéphane cultivent trois variétés d’ail : IGP drôme blanc, violet et éléphant. Ils transforment une partie de leur production en ail noir, aliment prisé des restaurateurs.

Dans la vallée de la Drôme, les champs d’ail sont visibles de tous les côtés, même depuis l’autoroute. Cette plante odorante au goût si particulier représente une culture importante dans le département. L’ail de la Drôme est d’ailleurs reconnu comme IGP depuis 2008. « Il y a une dizaine de producteurs autour de cette appellation » , explique Stéphane Boutarin, président du GIE Ail drômois. Ce cultivateur passionné de restauration possède 70 ha de terre dédiée à la production de la fameuse gousse. Sur ses terres, trois variétés sont cultivées, dont l’ail IGP de la Drôme. C’est avec lui que Fanny Boutarin, épouse de Stéphane, fabrique chaque année de l’ail noir, vendu à la fois aux professionnels du CHR et aux particuliers. L’aventure débute en 2016, lorsque Fanny et son mari essaient de trouver le moyen pour valoriser l’ail gros calibre de leur production, peu apprécié sur le marché français. « Nous étions confrontés à un marché de l’ail espagnol ou chinois avec des prix très bas. Nous cherchions un moyen de faire comprendre que l’ail français est bien meilleur en goût, qu’il a une vraie plus-value. » C’est en se rendant au Garlic Festival de l’île de Whight, en Angleterre, que Fanny et Stéphane goûtent pour la première fois de l’ail noir.

 Stéphane et Fanny Boutarin produisent chaque année 100 tonnes d’ail, parmi lesquelles 3 tonnes sont transformées en ail noir.

Le goût avant tout 

Commence alors une véritable quête de la recette parfaite, pour trouver la bonne maturation et obtenir un ail noir ayant un maximum d’umami, la cinquième saveur très prisée au pays du Soleil-Levant. Fanny Boutarin expérimente avec un cuiseur à riz, tente de contacter des producteurs d’ail noir japonais pour mieux comprendre le procédé de fabrication du produit. Au début 2017, elle est incubée par l’ISARA, ingurgite de la littérature scientifique sur l’ail noir et découvre peu à peu le fonctionnement des machines. « Faire de l’ail noir m’a fait découvrir l’ail comme je ne l’avais jamais connu, j’ai vraiment exploré la matière » , constate Fanny Boutarin. L’entrepreneuse trouve sa recette et comprend qu’il lui faut une machine japonaise pour réaliser sa production comme elle l’entend. L’obtenir sera un véritable parcours du combattant, à tel point qu’elle envoie d’abord son ail en Angleterre pour réaliser sa première production à la fin de l’année 2017. Au début 2018, elle fait goûter son ail noir dans le milieu de la restauration. Lors d’une réunion de chefs au Chabichou, restaurant 2 étoiles de Courchevel tenu par Stéphane Buron, son produit connaît un franc succès. En 2019, elle rencontre lors du SIRHA, grâce au chef Buron, le grand maître de l’ail noir japonais Shinichi Kashiwazaki. « Il est lui aussi agriculteur, il a compris et apprécié notre démarche et nous a aidés. » Fanny est ensuite invitée au Japon, découvre l’ail noir japonais et résout ses problèmes de machine. Elle la reçoit au printemps 2020, lors du 1er confinement.

Expérimenter toujours plus

Grâce à deux machines spéciales, Fanny produit chaque mois 600 kg d’ail noir, en utilisant uniquement les gros calibres de son ail IGP drômois. Le procédé de transformation dure un mois, le temps que la réaction de Maillard opère. Le couple commercialise ses produits sur son site Internet, en circuit CHR, en circuit court et en épicerie fine. Outre ces produits crus et de nombreux produits transformés – confitures, crackers, perles d’ail noir… – le couple produit aussi de l’ail éléphant, qu’ils vendent aux restaurateurs. Cette variété quasiment inconnue en France, beaucoup plus grosse, produit une fleur que le couple a fait transformer en huile avec l’aide du chef et MOF Jean-Marc Tachet.

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