Difficile de trouver une affaire plus complète qu'Au Petit Caporal. L'établissement situé au carrefour de l'école vétérinaire de Maisons-Alfort abrite en effet un hôtel 3* de 30 chambres, un bar brasserie et un bureau de tabac presse proposant les jeux de la FDJ. Ce n'est donc pas un hasard si toute la population de la ville, en passant par les professeurs de l'école vétérinaire et les employés de la BPI, converge vers ce lieu de rendez-vous. Philippe Alauze se souvient de son arrivée dans ces murs en mai 1968. Ses parents originaires de Villefranche-de-Panat (Aveyron) venaient de racheter l'affaire. Son père avait été paysan jusqu'à l'âge de 26 ans avant de monter à Paris en 1960. Le couple qui a commencé plateau à la main n'a pas tardé à emprunter l'ascenseur social. En effet, les Alauze sont rapidement devenus gérants libres, avant de racheter un café à Paris, dans le 14e . Cette première installation a servi de tremplin à la famille pour se fixer à Maisons-Alfort. « Certains achètent plusieurs brasseries, explique Philippe Alauze. Nous, nous avons tout fait pour améliorer le potentiel du Petit Caporal. »
« Nous avons tout fait pour améliorer le potentiel du Petit Caporal. »
Formé à l'école hôtelière de Paris Jean-Drouant, ce patron a débuté comme employé dans des établissements parisiens, tels que le Soleil d'or, le Départ et même l'hôtel Intercontinental. Ces expériences variées lui ont permis de rejoindre l'affaire familiale dès 1992, puis d'en prendre les rênes six ans plus tard avec son épouse, Armelle. L'établissement représente un vestige des Relais de poste. C'était, en partant de Paris, la première étape sur la route Napoléon. La seconde se situait au Réveil Matin, à Montgeron (Essonne). Avant la Seconde Guerre mondiale, le propriétaire d'alors se targuait de disposer d'une écurie capable d'accueillir une trentaine de chevaux. Lorsque la famille Alauze a acquis le fonds, l'hôtel ne comptait que dix chambres et une petite brasserie. Au fil des années, elle a pris le contrôle de deux commerces voisins. L'hôtel, agrandi, s'est développé avec une capacité portée à 30 chambres. Mais surtout Philippe Alauze a régulièrement investi dans la progression du confort, d'abord à un classement 2*, puis plus récemment à 3*. Juste avant la crise sanitaire, il avait fait remettre toutes les chambres à niveau. Il s'en félicite, car en mars, l'établissement affiche des taux d'occupation comparables à ceux de de 2019. Il est convaincu que ceux qui n'avancent pas reculent : « Il faut sans arrêt se remettre en cause. C'est la seule manière de subsister. » Il a tiré des enseignements de la crise sanitaire. À l'époque où seuls les tabacs avaient le droit d'ouvrir leurs portes, il a fait placer un lit dans la brasserie pour pouvoir relancer ce commerce dès 5 h du matin. Après la crise, il a séparé en deux le comptoir de la brasserie pour en englober une partie du côté de la civette et proposer jusqu'à 8 h de la vente à emporter. Il a coutume de dire que le soleil se lève du côté du tabac du Petit Caporal et se couche de l'autre, puisque le soir, à l'opposé de la salle, un bar lounge se met en place, renforcé par la présence d'une terrasse qui vient d'ouvrir sur la voie piétonne. En 2001, alors que beaucoup d'Auvergnats de Paris ont délaissé l'activité de buraliste, il n'a pas hésité à racheter une licence tabac afin d'élargir ses activités. Il est parvenu à optimiser cette civette en multipliant les offres. Par exemple, il a aménagé aujourd'hui une vitrine où sont disposés des produits à base de CBD.
Par ailleurs, la chambre syndicale des buralistes d'Île-de-France n'a pas tardé à repérer le dynamisme de cet adhérent qui a été le secrétaire général de Bernard Gasq, autre Aveyronnais, avant de lui succéder à la présidence en juin dernier. Philippe Alauze ne croit pas à la fatalité ni aux déclins qu'on qualifie d'inexorables. Se référant au bond des achats de cigarettes effectués durant le confinement, il prétend que la consommation de tabac n'a pas baissé autant que le Gouvernement ne l'assure. Il est également fier de rappeler que le réseau de buralistes a su rebondir en étant choisi par la Direction générale des finances publiques (DGFIP) pour recevoir les paiements de proximité des Français. En outre, les bureaux de tabac sont devenus avec la création du compte Nickel le deuxième réseau bancaire français. Il croit en l'avenir de son métier et souhaite donner à ses collègues des armes pour aborder le futur. C'est ainsi qu'il a largement contribué à la création de Tab'Shop, le bureau de tabac du futur, actuellement en test rue de Vienne et dont la première ouverture réelle aura lieu à la fin de juin à la civette Terminus, porte de Saint-Cloud.