Le morbier, icône du Jura

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Moins réputé que le comté, le morbier n’en reste pas moins l’un des éléments phares de la gastronomie jurassienne. Sa signature visuelle et ce trait noir qui le traverse marquent l’histoire de ce fromage qui se déguste toujours au lait cru.

Son frère le comté lui vole souvent la vedette, et pourtant, le morbier a tout d’un grand fromage. À commencer par une tradition jurassienne bien ancrée et sauvegardée, qui plus est, valorisée au lait cru dans son intégralité. Il puise ses racines et son caractère dans le massif jurassien, au cœur des exploitations de près de 2 000 éleveurs de vaches, dans le Doubs, le Jura et quelques communes de l’Ain et de Saône-et-Loire. « C’est une histoire fermière avant tout », précise Olivier Virot, producteur de lait et président d’une fruitière, membre du conseil d’administration de l’AOP Morbier. « Auparavant, les agriculteurs fabriquaient le fromage avec le lait d’une ou deux vaches. Chaque traite permettait de fabriquer un fromage. Dans l’idée de faire un plus gros fromage, ils assemblaient ces deux fromages du jour avec de la cendre qui permettait de les coller. »

En vingt ans, la production a bondi de 260 %.

C’est ainsi qu’est né le morbier, fromage iconique reconnaissable entre mille avec sa raie noire, véritable trait de caractère. « C’est notre signature », résume l’éleveur. Une signature qui est garantie aujourd’hui avec du charbon végétal. Les fruitières des villages se chargeaient de récolter le lait pour fabriquer le célèbre comté, et le morbier était vraisemblablement le fromage que l’on fabriquait dans les fermes plus éloignées, qui ne pouvaient pas travailler avec ces fruitières. Petit à petit, le morbier s’est tout de même invité dans ces fameuses fruitières et autres ateliers communs pour finalement obtenir une AOC en 2000, puis une AOP en 2002. Depuis, la production ne cesse d’augmenter, passant de 4 000 t dans les années 2000 à 11 500 t aujourd’hui. En vingt ans, la production a même bondi de 260 %.

Affiné de l’épicéa 

Élaborée 100 % à base de lait cru, que ce soit en coopérative ou dans les six dernières exploitations qui le fabriquent encore à la ferme, cette pâte pressée non cuite est encadrée par un cahier des charges strict avec un suivi sanitaire très pointu. L’alimentation des vaches exclut tout aliment fermenté (ensilage et enrubannage interdits), et privilégie le foin, le regain et le pâturage pendant les beaux jours. En cas de sécheresse durant l’été, « les exploitations ont la possibilité de donner du fourrage dans les quatre heures au maximum après la coupe ». Côté affinage, c’est sur des planches d’épicéa qu’il va vieillir au minimum 45 jours, jusqu’à 120 jours. « Mais nous voulons toujours garder une texture souple, même sur un morbier vieux. »

Ce trait noir, signature du morbier est réalisé aujourd’hui avec du charbon végétal.

L’alternative morbiflette

Si on le retrouve de plus en plus souvent en raclette, le morbier garde toute sa place sur le plateau de fromages, « ou même en lamelles à l’apéritif, toujours tranché de haut en bas pour garder cette signature visuelle noire au milieu ». En Franche-Comté, il s’invite dans un plat traditionnel : le bien nommé morbiflette, un gratin de pomme de terre, lardons, oignons, recouvert de morbier. Quant à sa signature gustative, elle révèle des arômes fruités avec des goûts de yaourt, de vanille lactée voire de caramel au lait, « mais il n’existe pas un morbier semblable à un autre. Tous ont leur propre identité, c’est toute la force du lait cru » . Le goût du Jura authentique à portée de pain.

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