Le sucre, c’est la vie

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Âgée de 27 ans et fraîchement élue pastourelle de la Ligue, l’Auvergnate Muriel Aublet-Cuvelier est une pâtissière de talent qui dispense aujourd’hui ses recettes sur sa chaîne YouTube consacrée à l’univers du sucre et baptisée Les secrets de Muriel. Après les palaces et les maisons étoilées, la jeune femme entend ainsi se consacrer à sa passion à travers la transmission et le partage.

La tarte aux citrons de Menton, mais sans meringue », rétorque Muriel Aublet-Cuvelier, quand on la questionne sur son dessert fétiche. Une réponse à l’image de sa personne, sans fioritures, mais profondément attachée au goût réconfortant d’un dessert ou d’un plaisir sucré. Cette ancienne du Peninsula est devenue une pâtissière de haut rang dans le paysage des gâteaux et autres desserts à l’assiette. En 2017, le grand public a pu la découvrir dans Le Meilleur pâtissier, un télécrochet diffusé sur M6. Au sein d’une équipe composée de trois femmes, Muriel a finalementéchoué en finale. « Cette émission, je l’ai vécue comme un véritable concours professionnel. Nous n’avons pas gagné car nous avons créé trop d’éléments qui nous ont empêchées de finir la pièce artistique (un jardin féerique en chocolat), mais ce n’est pas le plus important », raconte-t- elle. Une petite déconvenue qui ne l’a pas découragée, bien au contraire. Muriel Aublet-Cuvelier profite de chaque épreuve pour en sortir grandie.

Révélation


Son amour pour la pâtisserie remonte, comme pour beaucoup de ses confrères, à l’enfance. Lors de son stage de troisième, dans l’entreprise de traiteur de sa grand-mère, Muriel est captivée par le pâtissier et ses réalisations. Le déclic est immédiat. « J’ai une révélation, souffle-t-elle. J’ai donc intégré le lycée hôtelier de Chamalières. J’ai fait de la cuisine et j’ai évolué en salle, mais c’est la pâtisserie qui m’animait. Après un stage de quatre mois au restaurant étoilé le Saint-James, à côté de Bordeaux, je me suis lancée dans un CAP pâtissier pour avoir davantage de cordes à mon arc, puis un CAP chocolatier. » Elle intègre alors l’École nationale supérieure de pâtisserie d’Yssingeaux, se perfectionne et y décroche les CAP tant désirés. En parallèle, elle connaît une expérience d’un an à Bordeaux, où elle planche sur les fondamentaux (millefeuilles, tartes, etc.), puis rejoint l’équipe du chocolatier Christian Camprini à Valbonne. Muriel y apprend le perfectionnisme et découvre de nouveaux produits, comme le citron de Menton ou le poivre noir de Madagascar qu’elle affectionne tant. L’aventure s’est poursuivie à Montréal. À l’époque, celle qui affiche en permanence une ganache souriante, hérite de sa première place de chef pâtissière dans un restaurant gastronomique, l’Auberge Saint-Gabriel. Durant plus d’un an, elle se frotte à de nouveaux produits mais doit sans cesse adapter ses techniques. « Le lait, la crème ou le beurre contenaient plus d’eau. Cela chamboulait l’élaboration de mes recettes. L’hiver est rude et l’ensoleillement faible, on le ressent sur la qualité de la pâture et donc des produits finaux, tels que le lait et la viande. Idem pour les fruits et les légumes: il fallait que je fasse mûrir mes fruits dans le restaurant », se souvient-elle. Sa pâte sucrée, pour les tartes, ne tenait pas à la cuisson. Il a donc fallu qu’elle ajuste sans cesse ses recettes, soit en utilisant plus de farine, soit plus d’amidon. Ce processus d’adaptation lui a inspiré des créations singulières. Pour plaire à la clientèle nord-américaine, elle cuisine à grand renfort de sirop d’érable et de noix de pécan. Elle crée alors un baba aux poires infusé dans un sirop épicé, accompagné d’une chantilly au poivre noir de Madagascar. Nostalgique du pays, elle décide finalement de rejoindre la France.


L’expérience du luxe


À son retour, elle intègre Des gâteaux et du pin, l’établissement d’une autre pâtissière auvergnate de talent, Claire Damon. « Elle a deux pâtisseries fines où l’on travaille uniquement des fruits frais. Beaucoup de pâtissiers utilisent des purées de fruits, mais travailler des fruits frais impose de composer avec leurs maturités et leurs différences. Cela impacte la cuisson et demande plus de technique et de temps pour faire les choses », révèle Muriel. En 2015, sa trajectoire croise finalement celle du célèbre chef pâtissier Julien Alvarez. Ce Franco-Espagnol, véritable génie du sucre, lui offre une place au sein de l’équipe du Peninsula. La brigade sucrée du palace réunit alors une quinzaine de personnes. Ces derniers s’affairent toute la journée pour fournir l’établissement en pièces sucrées diverses et variées. « Il fallait s’occuper des petits-déjeuners, des déjeuners, du tea time, le tout pour le restaurant gastronomique de l’hôtel, mais aussi son bistrot, etc. », énumère-t-elle. Intégrée dans l’équipe en qualité de commis, elle en sortira cheffe de partie. Cette expérience lui a également appris à gérer la pression, omniprésente dans cet univers. Lors du départ de Julien Alvarez au Café Pouchkine, le chef pâtissier est remplacé par Antony Terrone qui se voit confier la carte sucrée du palace. Une transition qui s’effectue difficilement et voit une partie de l’équipe, en charge des desserts, quitter le navire. Une lumière crue sur la pression et les brimades en cuisine, un thème autour duquel se libère aujourd’hui la parole. À sa façon, Muriel rompt elle aussi l’omerta de ce milieu encore très masculin: « En montant en grade, j’ai eu des difficultés. On est moins prise au sérieux quand on est une femme. On doit se justifier sur notre parcours, sur nos compétences. Après le Meilleur pâtissier en mai 2017 sur M6 et mon départ du Peninsula, je n’avais pas envie de postuler dans une grande maison. C’est un milieu difficile et les grosses brigades, dans l’univers du luxe notamment, sont composées d’éléments carriéristes qui t’écrasent pour être au sommet et qui oublient la dimension humaine. Je ne pouvais plus accepter cela, je voulais me faire plaisir: c’est un métier où l’on fait des gâteaux… On m’a demandé d’être agressive, or je ne suis pas comme ça. La pédagogie m’intéresse davantage. » Son goût pour la pédagogie et la transmission l’a conduit à lancer, il y a un an, sa chaîne YouTube. Elle y livre en vidéos ses recettes et créations. Sa chaîne Les secrets de Muriel totalise aujourd’hui 10000 abonnés. Toutes les deux semaines, la pâtissière poste une nouvelle vidéo. Récemment, elle proposait de découvrir la recette des cornets de Murat. L’an passé, Muriel Aublet-Cuvelier avait ouvert durant quelques jours une boutique éphémère au profit d’une association caritative. Elle espère renouveler l’expérience cette année tout en continuant à distiller, sur Internet, ses vidéos culinaires. Les fans auvergnats de la nouvelle pastourelle de la Ligue peuvent aussi la rencontrer lors des banquets. Les becs sucrés du pays ont même la chance de se régaler de ses gâteaux lors des événements de la Ligue.

« On est moins prise au sérieux quand on est une femme. »

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