La carrière de Didier Jourdan démontre que le métier de restaurateur offre de nombreuses opportunités. En quarante ans de métier, il a exploré les multiples facettes de cette profession.
Propriétaire du Colimaçon, un bistrot traditionnel réputé du Marais, à Paris, il est également associé dans le restaurant Les Athlètes, près de la Bourse, et fait également partie du capital de la chaîne Les Pinces, un concept basé sur la démocratisation du homard.
Comme si tout cela ne suffisait pas, Didier Jourdan a créé Achat Plus en 2011, une société qui regroupe les achats à Rungis de près de 200 restaurateurs parisiens.
« Les 4A : Accueil souriant, Ambiance sympathique, Assiette savoureuse, Addition sage. »
L'école du Club Med
Né à Paris d'un père nîmois et d'une mère d'origine bretonne, Didier Jourdan s'est orienté dès l'âge de 17 ans vers la restauration avec un simple CAP. « J'avais un goût prononcé pour la nourriture raconte-t-il. Mon grand-père paternel était vigneron et mon autre grand-père charcutier. J'allais souvent chez eux. Ils m'apprenaient à tuer un lapin, à faire une terrine ou à aller chercher les escargots et à les préparer. »
Après des débuts au Grand Hôtel Opéra, il obtient un poste d'acheteur au Club Méditerranée. À 22 ans, il devient ainsi le plus jeune économe du club. Didier a ainsi travaillé dans 17 pays, participé à l'ouverture de clubs comme Phuket ou Punta Cana. À la grande époque de Serge Trigano, cette entreprise touristique est une merveilleuse école qui laisse à ses salariés une grande part d'initiative et d'improvisation. « Il fallait toujours trouver soi-même des solutions,
raconte-t-il. Frappé par un embargo sur la viande en République dominicaine, j'ai dû aller dans les champs acheter des bêtes aux agriculteurs avant de les mener à l'abattoir. Dans un autre club, nous étions entièrement approvisionnés par containers une fois toutes les deux semaines. Autant vous dire qu'il ne fallait rien oublier dans la commande. » Dans les années quatre-vingt-dix, Didier Jourdan, devenu père, a dû prendre ses distances avec le Club. Il devient alors cadre chez Générale de restauration, devenue aujourd'hui Elior.
Nommé directeur d'exploitation, il supervise la logistique de l'hôpital Saint-Joseph à Paris, avant de prendre en main une cuisine centrale fabriquant près de 10 000 couverts/jour. Faisant partie des cadres qui ont participé au LMBO qui a conduit à la formation d'Elior, Didier Jourdan a pu se retirer en 2007 en emportant un petit trésor de guerre. Cet apport lui a permis d'envisager une carrière de restaurateur indépendant. Il crée ainsi un premier restaurant, La Farigoulette, à Collobrières, dans le Var. L'établissement rencontre un beau succès, mais, en 2009, pour des raisons personnelles, le restaurateur le vend afin de revenir s'installer à Paris pour racheter le Colimaçon, un bistrot de 40 places, installé rue Vieille-du-Temple. Il s'associe pour l'occasion avec Nicolas Thierry, un passionné de vin.
Les 4A
Dans un décor de vieilles pierres de la maison Letellier, datant de 1732, il propose une cuisine simple réalisée à partir de produits de saison. La carte fait la part belle au canard et décline notamment deux foies gras maison. Le chef travaille des produits comme le canard ou le gibier en saison. Le restaurant emploie huit personnes et le ticket moyen oscille autour de 50 euros.
À ce niveau de prix, Didier Jourdan préfère miser exclusivement sur le service du soir 7 jours sur 7.
Grâce à sa recette personnelle des « 4 A » , il est parvenu rapidement à assurer un bon niveau de fréquentation à ce premier restaurant. « Si l'on respecte cette règle, on ne connaît pas d'échec en restauration, assure-t-il. Accueil souriant, Ambiance sympathique, Assiette savoureuse. Mais le dernier A, Addition sage, reste sans doute le paramètre le plus difficile à respecter. » Pour garantir ce rapport qualité-prix, Didier Jourdan fait avant tout appel à ses qualités d'acheteur. Fin connaisseur, familier du marché de Rungis et négociateur retors, il sait dénicher les bonnes affaires sur le MIN. Après avoir créé son deuxième restaurant parisien, Les Athlètes (Paris 2e), en association avec Alexandre Poulenc, il décide avec ce dernier de mettre en place Achat Plus, une centrale de référencement destinée aux restaurateurs indépendants. Le principe et simple : moyennant une cotisation journalière d'un euro (365 euros/ an), les restaurants adhérents ont accès à des tarifs négociés avec une vingtaine de fournisseurs de Rungis.
30 000 produits sont ainsi référencés. Les prix sont régulièrement négociés et, chaque semaine, les adhérents reçoivent par mail un tarif ajusté. « En massifiant les achats, indique Didier Jourdan, nous parvenons à obtenir des prix très intéressants. » Près de 200 restaurateurs ont été séduits par cette initiative.
« Nous rencontrons chaque nouvel adhérent pour dresser le profil de ses besoins. Chaque restaurant représente en effet un cas particulier en matière d'approvisionnement », précise le patron du Colimaçon.
Les Pinces
Bien qu'accaparé par toutes ses responsabilités, Didier Jourdan n'a pas hésité à plonger dans une nouvelle aventure lorsque quatre jeunes gens, Vivien Mathieu, Rémy Bougenaux, Damien Borgesson et Louis Kerveillan, sont venus pousser sa porte il y a trois ans, pour lui présenter leur projet de création du concept de restauration Les Pinces. Non seulement il est devenu leur conseiller en mettant en œuvre son expertise pour assurer la viabilité de ce projet, mais il est aujourd'hui un actionnaire significatif de l'entreprise qui détient déjà trois restaurants dans Paris.
Les Pinces est conçu comme un restaurant à carte très réduite, proposant deux spécialités de homard entier : en broche ou en brioche. Une côte à l'os est toutefois prévue pour offrir une alternative aux clients. Un accompagnement unique (frite + salade) est parallèlement décliné. Ces plats, qui sont composés d'un homard entier de 500 g, sont proposés au prix défiant toute concurrence de 25 euros, ce qui explique que les restaurants travaillent sans réservation et sont le plus souvent contraints de gérer une file d'attente. Aussi, la principale difficulté de l'entreprise consiste à trouver du homard à un prix très accessible. « Il faut d'une part disposer de plusieurs restaurants pour représenter une puissance d'achat qui nous permette de négocier les prix, explique Didier Jourdan. Avec trois restaurants, l'entreprise est rentable. Nous avons effectué un gros travail de sourcing. À Rungis, même avec notre centrale, aucun acteur ne peut nous offrir des prix suffisamment attractifs.
Nous achetons notre homard en direct du Canada. Il arrive vivant avant d'être placé en vivier. L'été, la courbe s'inverse et le homard français est plus accessible, et nous pouvons nous fournir en direct sur les ports de la côte Atlantique. »