Les extras sortent de l’ordinaire

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Embaucher un extra représente une solution parfois vitale pour les entreprises. Ce statut s’améliore aujourd’hui, grâce notamment à des applications dédiées qui évoluent. Ce recours d’urgence tend aujourd’hui à devenir une pratique viable et durable pour pallier le manque de personnel dans le secteur CHR.

Les places en extras ont progressé de 150 % depuis 2019. Crédits : Louis Hansel.
Les places en extras ont progressé de 150 % depuis 2019. Crédits : Louis Hansel.

«La restauration pour moi, c’est le travail qui s’impose, un emploi de« secours » représentant un tremplin facile et accessible pour se faire de l’argent rapidement. Bien que ça soit très mal payé »,déplore Sandra Mesdagh. Familière des extras en restauration, elle complète par ce moyen les revenus encore modestes que lui procure le lancement timide de son activité libérale de coach en développement personnel. Une mission d’extra, temporaire par définition, concerne une multiplicité de personnes et de profils. Il peut s’agir, d’étudiants, de personnes sans emploi ou entre deux contrats, de professionnels, etc. L’extra peut aussi représenter un complément à une formation. C’est le moyen d’assurer son indépendance financière et de maintenir son budget personnel en équilibre en fin de mois.

« Si je n'avais pas cette possibilité, je serais probablement SDF. »

Devenue maman de sa première fille à 20 ans, Sandra est originaire de Belgique et elle n’a eu d’autre choix que de multiplier les extras ou« les dépannages ». Une activité ponctuelle, dans laquelle elle n’était pas contrainte. Ces différentes missions lui ont permis de réintégrer progressivement une vie active et de déménager dans le sud de la France.« Si je le fais encore,explique-t-elle,c’est parce que c’est un revenu alimentaire. C’est un monde qui tourne sans arrêt et il y a toujours une place à dénicher entre deux CDD[contrat à durée déterminée, NDLR]. L’extra est une sécurité pour moi. Si je n’avais pas cette possibilité, je serais probablement SDF », avoue la quadragénaire. Il est d’autant plus simple aujourd’hui d’embaucher rapidement un de ces agents polyvalents, grâce à une application ou à une plateforme dédiées. Ces dernières se sont substituées aux bureaux de placement, bien connus du secteur.

L’extra pour redynamiser le secteur

« La personne embauchée en contrat d’extra représente un renfort spontané. Soit pour faire face aux pics d’activité, soit pour pallier des absences de personnel », émet Mathieu Brochet, responsable marketing pour Extracadabra. Fondée par deux petits-fils d’Auvergnats, Extracadabra est une solution qui met en relation depuis 2015 les professionnels du secteur CHR avec des candidats en recherche d’emploi.

Chiffre significatif, en septembre 2021, Extracadabra enregistre deux fois plus d’extras placés en mission qu’en septembre 2020. Si on compare aux statistiques répertoriées au mois de septembre 2019, la progression est de 150 % ; ce qui donne une idée de la tension qui existe aujourd’hui sur le marché de l’emploi dans les secteurs CHR.« Le secteur de la restauration repose sur une rotation. Extracadabra était partie du constat suivant : il n’existe pas de solution pour trouver du personnel qualifié rapidement », indique Mathieu Brochet.

Sa solution de recrutement est adoptée régulièrement ou ponctuellement par 11 000 établissements inscrits. En effet, 2 300 y ont eu recours depuis le mois de mai 2021. Et 419 l’ont utilisée sur le mois de septembre seulement. En outre, le nombre d’annonces déposées a été multiplié par six. La preuve que la désertification du personnel continue et que les patrons cherchent impérativement à renforcer leurs équipes.

Répondre à des conditions

Pour qu’un candidat soit considéré comme tel, Extracadabra exige actuellement qu’il soit majeur. La solution estime de plus qu’un candidat est qualifié à partir du moment où il peut justifier d’au moins trois expériences dans le secteur de l’hôtellerie et de la restauration. Si initialement la relation se cantonnait à faire gagner en flexibilité les candidats et les employeurs, elle entend désormais redynamiser le secteur, dont« les besoins se sont renforcés et aussi allégés. Il a perdu une partie de son personnel habituel durant la crise et les restaurateurs cherchent à compenser en recrutant des personnes débutantes. C’est un retour qui nousa été rapporté par des responsables d’établissements partenaires », ajoute le responsable marketing d’Extracadabra.

La plateforme de mise en relations travaille à la refonte des critères d’entrée. Elle veut permettre à des débutants de postuler à des missions et à des postes en contrat à durée indéterminée (CDI). Ce type de contrat temporaire est fréquemment utilisé et les très jeunes s’orientent de plus en plus fréquemment vers cette solution. Les profils qui se cachent sous les habitués de l’extra sont aussi relativement considérés.

Des profils séduisants

« L’extra doit être un plus pour un établissement. J’ai vu défiler un nombre incalculable d’incapables. Autant de gens qui étaient renvoyés chez eux parce qu’ils pouvaient déstabiliser un service. C’était un véritable confort d’être rappelé pour travailler dans un établissement connu. J’avais conclu quelques accords avec le gérant, j’organisais mon emploi du temps. Il y avait une bonne entente et j’étais mieux payé qu’ailleurs », atteste Léo Breysse. À 24 ans, ce professionnel de la salle a fait ses études hôtelières à l’école Vatel, à Lyon. C’est dans cet établissement qu’il a été sensibilisé à la possibilité de faire des extras. Une pratique à laquelle il a ensuite fréquemment eu recours pour faire face à l’augmentation du coût de la vie.

L’extra correspond à des personnalités à la capacité d’adaptation rapide. La polyvalence des extras, couplée à leur efficacité dans la prise en mains d’un poste, fait qu’ils sont appréciés par les recruteurs CHR.« Les extras de l’hôtellerie-restauration sont des personnes qui s’adaptent en très peu de temps. Très dynamiques, elles sont aussi très réactives. On l’a constaté pendant la crise lorsque les restaurants étaient fermés. Extracadabra a placé ce personnel en demande et disponible chez des clients spécialisés dans la vente au détail. Il a été apprécié pour sa grande flexibilité et sa capacité d’adaptation remarquable »,témoigne Mathieu Brochet.

Pour une pratique addictive

L’extra attire les patrons et le recours aux extras devient parfois presque un réflexe.« J’ai grandi en travaillant comme extra. À partir du moment où j’ai trouvé l’endroit où j’allais pouvoir revenir régulièrement, je suis devenue presque accro. L’appât du gain était très prenant et je me sentais intégrée, malgré mon statut d’extra. J’étais gratifiée et de plus en plus responsabilisée. Alors je trouvais toujours une solution pour me rendre disponible »,raconte Alix Pernot.

Après avoir effectué une formation d’un an à l’Institut Paul-Bocuse à Lyon, la jeune femme de 24 ans a changé d’orientation et s’est finalement dirigée vers une école de commerce. Néanmoins, Alix demeure passionnée par la restauration. Elle ne retrouve pas dans son poste d’analyste en évaluation immobilière les sensations d’extra, le rush et l’intensité des métiers de salle, qu’elle a connues plus jeune.« Je sais que je retournerai à la restauration d’une manière ou d’une autre »,confie-t-elle. De plus en plus de candidats âgés de 18 à 25 ans se positionnent donc sur ce segment. Ils sont 50 000 sur toute la France à s’être inscrits sur Extracadabra.

« Je sais que je retournerai à la restauration d'une manière ou d'une autre. »

Par ailleurs, les restaurateurs et les candidats détiennent les moyens de se défaire d’une partie des démarches administratives. Avec Extracadabra, la personne embauchée en contrat d’extra dispose d’une prévoyance santé et d’une responsabilité civile professionnelle. La prise en charge de la gestion administrative par cette entreprise assure aussi une rémunération plus régulière. Fini la rédaction d’une série de lettres de motivation pour les candidats et les mauvaises surprises pour les directeurs de salle, qu’une absence inattendue peut venir chambouler l’intégralité de l’organisation.

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