Chaque semaine, le quotidien Le Monde publie une chronique intitulée « Je ne serais pas arrivé là si », où des personnalités dévoilent les ressorts de leur carrière. Le 9 janvier, Pierre Gagnaire, l'un des plus grands chefs français, se pliait à l'exercice se déclarant « surpris par l'homme qu'il était devenu ». Avec une étonnante sincérité, il raconte que la cuisine ne lui « plaisait pas du tout » et évoque un apprentissage laborieux presque contraint. Fils aîné dans une famille de restaurateurs, il assure que dès l'âge de 5 ans son sort était déjà scellé pour reprendre le flambeau du restaurant familial. Plus doué qu'il ne le laisse entendre, il a obtenu dans cette auberge une étoile Michelin dès l'âge de 26 ans sans pour autant y « trouver sa place ».
Il estime que son réel acte fondateur fut de quitter le restaurant de ses parents le 1er juillet 1981 pour s'installer à Saint-Étienne, même s'il concède que cette décision a brouillé sa relation avec ses géniteurs. Ensuite, dans la préfecture de la Loire, où il a connu la gloire des trois étoiles, mais aussi la faillite, il estime avoir encaissé un second choc salvateur sans lequel il n'aurait pu accéder à cette carrière parisienne et internationale qui est aujourd'hui la sienne. En remettant en cause à deux reprises son environnement, l'albatros de la cuisine a pu enfin déployer ses ailes de géant et accéder à une forme de sérénité.