Jeudi 29 octobre, veille de confinement.
Patrick Laur, gérant de sept établissements à Paris et à Toulouse, ne comprend pas la mesure.
L’Auvergnat de Paris : Comment réagissez-vous à cette fermeture totale des restaurants ?
Patrick Laur : C’est plus que catastrophique. Je ne comprends pas. Au mois de mars, les bars et restaurants avaient fermé du jour au lendemain et là cela recommence. Ils ne nous laissent pas le temps de nous préparer. Ils nous prennent vraiment pour des chiens.
ADP : Maintiendrez-vous une activité de vente à emporter ?
Patrick Laur : Nous allons essayer de faire de la vente à emporter sur quelques uns de nos établissements. Nous en avons sept au total. Trois ou quatre d’entre eux vont proposer un service de vente à emporter, ils avaient assez bien fonctionné pendant le premier confinement. Ils proposent des pizzas. Du côté des brasseries, ce type de consommation ne marche pas. Nous allons essayer de proposer l’emporter sur un maximum d’établissements la première semaine. Nous allons voir si cela fonctionne auprès des clients. Dans le pire des cas, nous serons dans l’obligation de fermer totalement.
ADP : Est-ce que l'arsenal d'aides vous semble suffisant ?
Patrick Laur : De quelles aides vous parlez ? Je n’en ai pas eu d’aides personnellement. Sur sept établissements, j’ai eu 1500€ deux fois dans deux établissements. Deux établissements sur sept. Ce n’est pas suffisant. Il y a zéro aide. L’assurance ne nous aide pas non plus, nous sommes en procédure avec elle. L’Etat ne nous a pas aidé. Il parle d’un fonds de solidarité de 10 000€ mais nous n’en savons rien. Nous n’avons rien eu. Je suis gérant, je n’ai plus de salaire. Je pioche dans ma trésorerie mais elle s’amenuise petit à petit. J’avais signé deux nouvelles affaires avant le confinement, je n’ai malheureusement pas pu faire marche arrière.
ADP : Est-ce que vous nourrissez de l'inquiétude pour la survie de votre établissement ?
Patrick Laur : Cela dépend de combien de temps cette situation va durer. L’Etat nous promet de nous donner 10 000€. Cet argent va seulement payer le loyer et les charges fixes des établissements. Avec ces 10 000€, nous pourrions éventuellement s’en sortir. Sinon cela va être très compliqué. Nous allons peut-être mettre la clé sous la porte. Nous sommes en train de perdre beaucoup d’argent. C’est 40 ans de métier pour rien.
Pascal Dupire, gérant de L’Amourette, à Montreuil, fulmine : il aurait préféré que le Gouvernement annonce le confinement plus tôt pour avoir le temps de se préparer.
L’Auvergnat de Paris : Comment réagissez-vous à cette fermeture totale des restaurants ?
Pascal Dupire : Je suis surpris par cette annonce brutale. Quand je dois afficher mes plannings pour les salariés, je prends le temps, on anticipe à deux semaines, et là le président il annonce ça la veille pour le lendemain. Il aurait pu prévenir en avance. On va avoir des pertes sur les denrées qu’on avait achetées. Ils expliquent en plus que le chômage partiel est pris en charge à 100 %, mais moi j’ai plein de congés payés à donner, et des jours fériés. Pour tout cela, il n'y a aucune aide !
ADP : Maintiendrez-vous une activité de vente à emporter ?
Pascal Dupire : Non, catégoriquement. Je commence à en avoir raz-le-bol. C’est de la cuisine qu’on fait, on dresse à l’assiette, on va faire quoi ? 20 couverts le soir à emporter, 10 le midi, en faisant venir les salariés, en allumant toute la cuisine, en payant la marchandise, l’électricité ? En plein saison on est à 180 couverts par service, le midi notamment. Le soir avec les terrasses plutôt 100. En plus avec le télétravail, la clientèle ne sera pas là. Ce confinement là, on va rester fermés. Mais on va repenser le fonctionnement de l’établissement et faire de la vente à emporter dès janvier. Là on n'est pas prêts.
ADP : Est-ce que l'arsenal d'aides vous semble suffisant ?
Pascal Dupire : Non, clairement pas. Pour toucher les 1 500 euros d’aides par mois, jusqu’ici il fallait faire 50 % du chiffre d’affaires. Nous on a fait 60 %, donc pas d’aides pour nous. À chaque fois il y a une exception, quelque chose qui fait qu’on ne va rien toucher… Pour les nouvelles aides mises en place, personne ne sait encore comment ça va se passer.
Et pour les chefs d'entreprise ? Pour les salaires que je n'ai pas touché depuis le premier confinement, car quand on est dirigeant de société on est les premiers à baisser nos salaires pour la survie de l’entreprise, qui nous aide ? Personne.
ADP : Est-ce que vous nourrissez de l'inquiétude pour la survie de votre établissement ?
Pascal Dupire : C’est-à-dire que je sais pas combien de temps ça va durer cette histoire. Est-ce que 2021 sera la même année que 2020 ? Quand il n'y a plus rien qui rentre, c’est compliqué pour la trésorerie. On n'est pas à l’abri de se casser la gueule. D'ailleurs, il doit déjà y avoir des confrères qui sont cuits.