Michel Bonnemort, l’art du rebond

  • Temps de lecture : 4 min

Michel Bonnemort a déjà réinventé son restaurant le Bouclard, en proposant la cuisine de son bistrot en vente à emporter. Pour ce faire, il mise sur la technique du sous-vide, mais aussi sur une communication particulièrement attractive. Une compétence acquise durant sa première vie dans les relations publiques aux États-Unis.

À 78 ans, Michel Bonnemort fait preuve d’une réactivité de jeune startuper. À peine son restaurant le Bouclard a-t-il été condamné à la fermeture par la seconde vague de Covid-19 que le restaurateur se réinventait grâce au sous-vide. Depuis le 6 novembre, il propose ses recettes de bistrot ainsi conditionnées en click and collect et en livraison. Sa cuisine traditionnelle, largement mijotée, se prête bien à cette pratique. D’abord, le cuisinier utilisait déjà largement cette technique de cuisson basse température qui permet de concentrer les saveurs. Mais pour proposer ses spécialités en click and collect, Michel Bonnemort a dû s’adapter. Avec son jeune chef et neveu, Alex Marnet, il a revisité le mode opératoire. Car si certaines recettes sont directement préparées sous-vide, comme la poitrine de veau braisée à basse température durant 48 heures, certains plats en revanche sont cuits traditionnellement et ensuite conditionnés sous-vide. « Cela demande une organisation différente, reconnaît Alex Marnet. Avant, je liais les sauces au dernier moment, dans ce nouveau cas de figure tout doit être prêt en même temps. »

Une communication bien rodée

À la carte click and collect du Bouclard, on trouve même du lièvre à la royale jusqu’au 15 janvier. Six entrées, dix plats et quatre desserts sont ainsi proposés. Les vins de la cave sont également accessibles avec une ristourne de 30 % sur le tarif de la carte. Parmi les offres, on trouve le plat vedette de la maison, le fameux pastrami, un morceau de 12 kg de poitrine de bœuf soigneusement pommadé, macéré quatre jours et cuit durant trois jours. Le restaurateur a apporté beaucoup de soin à sa communication via des dépliants expliquant la démarche, mais aussi sur une campagne d’e-mailings. Mais surtout, il a conçu un sac spécial à emporter pour ses sachets sous-vide. Pour les illustrer, il a fait réaliser par un ami deux dessins à la manière de Roy Lichtenstein représentant une femme à la maison, aggrémentés de bulles très vendeuses. Sur ce sac, plus petit, on peut observer la photo en noir et blanc d’une femme, « la fabuleuse Rosalie », la grand-mère de Michel, celle qui lui a tranmis lorsqu’il était enfant le goût des bons petits plats. Depuis vingt-cinq ans, cette figure représente la caution d’authenticité et de fait maison du Bouclard.

Michel Bonnemort a conçu un sac spécial à emporter pour ses sachets sous-vide

Deux vies en une 

Michel Bonnemort est issu d’une famille de restaurateurs. Son grand-père était propriétaire du Cochon d’or, porte de la Villette, et ses parents ont exploité Calvet, boulevard Saint-Germain. Mais il a vécu une première vie très différente. En 1967, il s’envole pour New York. Il reste ainsi vingt-cinq ans aux États-Unis. S’il n’a jamais ouvert un restaurant outre-Atlantique, il ne gravitait pas loin de cet univers. « En arrivant, je n’avais pas un sou en poche et je logeais dans des hôtels minables, raconte-t-il. Je passais l’essentiel de mon temps libre à cuisiner sur un réchaud. C’est ainsi qu’est née la recette du poulet Rosalie qui figure aujourd’hui parmi les best-sellers de la carte. »

Par la suite, il va accomplir une carrière dans la communication, notamment avec la Sopexa, le fer de lance de la promotion des produits français à l’étranger. Un métier qui l’amène à fréquenter de très nombreux restaurants. D’un premier mariage, il a eu deux enfants qui vivent toujours aux États-Unis. L’un d’eux possède aujourd’hui deux grands restaurants à Tampa (Floride).

À 78 ans, Michel Bonnemort fait preuve d’une réactivité de jeune startuper.

Mais, la cinquantaine venue, Michel Bonnemort a décidé de revenir en France avec la ferme intention d’ouvrir un restaurant. C’est ainsi que le Bouclard est né dans une petite rue derrière la place Clichy. L’artère est peu animée, mais le restaurateur a compensé le handicap de l’emplacement médiocre par une forte attractivité, grâce à la cuisine, mais aussi à l’ambiance de ce décor de bistrot Belle Époque qu’il a entièrement reconstitué lors de son arrivée en France. Depuis un quart de siècle, avec son épouse Jacqueline qui veille sur la salle, il a accueilli une vaste clientèle dont de nombreuses célébrités.

« J’ai décidé de passer à la vitesse supérieure. »

Depuis son arrivée, il est demeuré à la barre de l’établissement. Il a cédé son poste de chef de cuisine à son neveu il y a seulement trois ans, non sans s’être assuré que ce dernier était digne de lui succéder. Aujourd’hui, il assure vivre cette crise comme un nouveau défi : « Lors du premier confinement, nous faisions de la vente à emporter pour nos bons clients. Mais, cette fois-ci, j’ai décidé de passer à la vitesse supérieure dans le click and collect en bâtissant une offre attractive. Il vaut mieux prendre les devants, cette fermeture peut durer longtemps. Même si la situation redevient normale, je poursuivrai la vente à emporter. J’ai même l’ambition d’ouvrir un laboratoire. » Apparemment, la Covid n’a pas le pouvoir d’affaiblir la passion que Michel Bonnemort voue à son métier.

PARTAGER