Taku Sekine se suicide sous la pression de la rumeur

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Taku Sekine, cuisinier franco-japonais, propriétaire de deux restaurants parisiens, le Dersou (Paris 12e) et le Cheval blanc (Paris 19e), s’est donné la mort le 29 septembre dernier. Depuis plusieurs semaines, à l’occasion d’une enquête contre le harcèlement sexuel en cuisine, Atabula, un site d’informations gastronomiques avait publié son nom, assurant détenir plusieurs témoignages de victimes potentielles. Son rédacteur en chef a pris le parti de s’attaquer par la suite à la presse, généraliste et spécialisée, dénonçant un manque de critique dans le secteur.

Taku Sekine, cuisinier franco-japonais, propriétaire de deux restaurants parisiens, le Dersou (Paris 12e) et le Cheval blanc (Paris 19e), s’est donné la mort le 29 septembre dernier. Il avait 39 ans. Depuis plusieurs semaines, à l’occasion d’une enquête contre le harcèlement sexuel en cuisine, Atabula, un site d’informations gastronomiques avait publié son nom, assurant détenir plusieurs témoignages de victimes potentielles, notamment d’une personne via le réseau social Instagram. Ce sont ces accusations qui sont à l’origine de ce suicide, si on en croit l’épouse du chef, Sarah Berger, qui affirme que son mari avait été « emporté par une grave dépression consécutive à sa mise en cause publique – sur les réseaux sociaux et sur un site spécialisé – avec une récurrence s’apparentant à un véritable acharnement ».

Il faut rappeler que dans la semaine précédant le suicide, le site Atabula avait affirmé que le chef avait pris la fuite au Japon. Une information manifestement erronée et démentie par la famille. Le chef s’est d’ailleurs tragiquement donné la mort en France. En outre, les accusations de harcèlement sexuel proférées par le site à son encontre ne reposaient sur aucune action en justice. Le dirigeant du site, Franck Pinay-Rabaroust, s’est expliqué le lendemain du drame dans un éditorial et affirme que « le nom de Taku Sekine a été prononcé plusieurs fois, par des sources différentes, relatant à peu de choses près des faits similaires » et conclut laconiquement : « Il n’y aura malheureusement pas de procès Taku Sekine. Il faut le regretter. » Par ailleurs, le même jour que le suicide du chef du Dersou, le site opérait une nouvelle accusation envers un grand chef parisien pour une tentative de viol cinq ans plus tôt. En l’occurrence la victime potentielle ne faisait pas partie du personnel. Il s’agirait d’une cheffe d’entreprise, ancien fournisseur du cuisinier qui a annoncé qu’elle allait déposer parallèlement une plainte. Le chef, quant à lui, a dénoncé « des allégations dépourvues de tout fondement ».

En lançant cette campagne contre les violences en cuisine, Franck Pinay-Rabaroust se présente comme un justicier, reprenant à son compte les propos d’un chef trois étoiles au Michelin : « la plupart des journalistes français » qui « se comportent comme des putes (sic) : il suffit de les inviter à notre table pour acheter leurs services et leur faire perdre ce qui leur reste d’objectivité »,. Ajoutant, « de la presse professionnelle, il est inutile de répéter qu’il n’y a rien à attendre d’elle, bien trop inféodée à son sujet, bien trop sclérosée pour ouvrir le moindre débat critique ».

N’en déplaise à Monsieur Pinay-Rabaroust, nous, rédaction de L’Auvergnat de Paris , appartenant à cette presse professionnelle, avons déjà traité ce sujet bien réel et problématique, mais sans pour autant livrer des noms à l’opinion sans preuves suffisamment solides. Il s’agit d’une volonté déontologique de notre part. Ce sujet peut faire basculer des vies. D’ailleurs, dans ce type d’affaires où la parole s’oppose à la parole, même les enquêtes officielles peinent souvent à aboutir, ce qui est regrettable. Il doit donc être traité avec la plus grande rigueur, dans l’investigation, le fact-checking et le contradictoire. Notre travail de journaliste ne doit en aucun cas s’apparenter à un vol de corbeaux. Seuls les faits, les preuves et la véracité de la méthode comptent pour pouvoir publier.

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