Un an à l’épreuve du Covid avec Philippe Hery, directeur général d’Hippopotamus et de Léon

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Philippe Hery qui, au sein du groupe Bertrand, vient de cumuler la direction générale de deux enseignes, Hippo et Léon, revient sur une traversée de 15 mois de crise sanitaire. Il nous raconte comment il a mis à profit la période d’inaction pour repositionner Léon et accélérer la digitalisation au sein de ses enseignes.

Quels furent votre pire moment de découragement et votre meilleur souvenir?

Le traumatisme a eu lieu avec la première vague. L’effet de surprise était total : une annonce à 19h30 et une obligation de fermeture à minuit. Pour la seconde fermeture, nous entendions depuis des semaines une petite musique ambiante qui nous préparait à la suite et l’expérience que nous avions précédemment vécue nous avait préparé, de plus un délai de 4 jours nous a été donné pour fermer. Nous ne pouvons pas éprouver de découragement. Si le général met un genou à terre, imaginez les troupes… Il faut rester combatif et faire preuve d’une grande résilience. L’avantage d’un groupe c’est aussi une forme de solidarité et de soutien général qui fait que l’expertise de chacun est importante. Je parlerais plutôt de déception, voire d’inquiétude économique. La marque Hippo était depuis trois ans sur une dynamique très positive. La crise a brisé momentanément cet élan. Le meilleur souvenir reste sans doute les nombreux messages de félicitation que nous ont adressés nos franchisés pour nous remercier de la manière dont nous avons tenu la barre et de la qualité de l’accompagnement que nous leur avons apporté durant la crise.

L’esprit d’équipe a-t-il résisté à l’épreuve ?

Nous ne sommes pas concernés par la vague de démissions qui est actuellement évoquée dans les médias. Nous ne notons pas un turn over supérieur à l’habitude. Nos équipes sont restées en lien. Nous avons maintenu la communication justement par la progression de la digitalisation, des groupes WhatsApp mais aussi des outils modernes comme Workplace ou Workchat, le Facebook des entreprises. Il faut féliciter nos équipes pour la résilience dont elles ont fait preuve durant toutes ces périodes de fermeture (9 mois au total sur 14 mois). Il faut aussi remercier nos clients qui durant la première semaine sont venus manger sous la pluie dans le froid. C’est une page particulière de la restauration qui s’est ouverte le 19 mai. Cette période de réouverture représentait d’abord un enjeu humain avant de constituer un enjeu économique. Ce n’était pas rentable, mais l’important était de remettre nos équipes en action. Il a fallu retrouver du rythme et des attitudes. La première semaine a été rude.


Comment avez-vous utilisé ce temps libre inattendu ?

A titre personnel, je suis resté mobilisé à 100%. Au contraire, ce temps m’a servi sur Hippo à poursuivre la rénovation de la marque avec 15 rénovations ou créations durant la période. J’ai aussi mis à profit cette coupure “inespérée” de nourrir une réflexion globale sur la marque Léon et d’aller beaucoup plus vite dans son repositionnement avec notamment l’arrivée d’une nouvelle carte pour la réouverture du 19 mai, et l’ouverture de deux restaurants nouvelle génération.

Qu’est-ce qui a changé chez vous ?

Il n’y a pas eu de changement d’état d’esprit. Nous ressentons surtout une envie d’en découdre et de repartir.

Avez-vous des regrets ?

Peut-être que je ne me suis pas accordé assez de temps personnel. Mais quand on est guidé par la passion du métier et qu’on dirige deux marques aussi fabuleuses et somptueuses, il est difficile de faire autrement.

Comment jugez-vous l’action du gouvernement face à la pandémie ?

Avec la mise en place du Quoiqu’il en coûte, nous sommes un des pays européens à avoir eu autant d’aide et notamment l’activité partielle. Sans elle, il n’y aurait plus de restauration aujourd’hui. Le problème que rencontre un groupe comme le nôtre c’est que tout était plafonné. Nous touchons la même chose qu’un gros indépendant (200 K€). Ce n’est pas très logique. Nous avons autant de besoins proportionnés à la volumétrie que nous réalisons.

Pensez-vous que votre entreprise survivra ?

Heureusement, nous sommes un groupe sain avec un actionnaire fort. Le groupe restera prospère et poursuivra son développement. Le fait d’avoir investi pendant la crise sanitaire détermine notre motivation et notre force pour l’avenir.

Quels enseignements positifs tirez-vous de cette crise ? 

Si la pandémie a révélé certaines choses, c’est bien l’accélération d’une forme de digitalisation de nos métiers, la formation et l’information à distance. On s’est tous remis en cause sur notre domaine de formation. On s’est aussi mis à la page. Dans nos marques, la livraison et le click & collect n’existaient pas, nous y réfléchissions et la crise sanitaire a représenté un accélérateur puisque nous les avons mis en place dans certains établissements et généralisés depuis. C’est aujourd’hui un business qui fait partie intégrante de notre quotidien. C’est une part de marché avec laquelle il faudra compter demain. Maintenant, il va falloir s’organiser pour faire cohabiter ces deux formes de ventes.

Comment allez-vous faire face à l’endettement cumulé durant cette période ?

C’est de la dette. Nous avons obtenu moins d’aides que les autres, donc nous avons dû puiser davantage dans notre trésorerie. Heureusement, nous étions dans la continuité de la transformation de nos marques, pour être plus performants, aller chercher davantage de CA, donc de résultat pour rembourser nos dettes, tout en poursuivant la transformation de nos différentes enseignes.

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