Depuis le mois de septembre, Brasseurs de France, la puissante association nationale des brasseurs, s'est dotée d'un nouveau délégué général. Alors que la bière est en train de trouver un second souffle en France, après trente années de recul, l'industrie brassicole a choisi un jeune Auvergnat de 32 ans pour la diriger. C'est en effet Maxime Costilhes qui conduit les actions de lobbying et de promotion décidées par l'ancien ministre François Loos, président de l'association.
Incollable sur le sujet
Maxime Costilhes n'est pas tombé dans le chaudron de la bière quand il était petit. Dans sa famille, on ne jurait que par le vin d'Auvergne.
Son grand-père et son grand-oncle exploitaient de la vigne en côtes-d'auvergne, à Saint-Georges-sur-Allier. Curieusement, il a découvert la bière lors de ses études à Sciences-Po Grenoble.
Devenu ami d'une colonie d'étudiants lillois, il a vite été mis au parfum en matière d'orge et de houblon. Il faut dire que ce jeune homme brillant apprend vite. Six mois après son entrée en fonction, le délégué général est déjà incollable sur le sujet. Il connaît parfaitement la carte de France des brasseries. Il est capable de sortir de sa poche une bière rare d'une petite brasserie charentaise ou de vous parler en détail d'un jeune brasseur récemment installé au fin fond de la France. Passionné d'histoire, il est en mesure d'affirmer que la première trace de houblon dans une recette de bière date de 846. Il ne faut pas non plus essayer de lui raconter des sornettes en matière d'agriculture. Expert en la matière il est capable d'affirmer : « Le sol de la Limagne est trop riche pour y faire pousser de l'orge. En revanche, sur les plateaux du Cantal, je pense que le résultat serait plus intéressant. » Toute son enfance en effet, Maxime Costilhes a baigné dans le milieu agricole. Il est né à Ceilloux, un village de 140 habitants dans le Puy-de-Dôme. Son père, comme un bon nombre de ses aïeux, cumulait les fonctions d'éleveurs et de marchands de bestiaux. « J'aidais mon père à la ferme, mais je ne peux pas dire que le métier d'agriculteur me passionnait, reconnaît le délégué général.
Ce métier est très difficile. Adolescent, j'ai vu mes parents traverser deux crises : l'une due à l'ESB et l'autre à la fièvre aphteuse. Cela refroidit les ardeurs qu'on peut éprouver pour ce métier. D'ailleurs, mon frère aîné, qui a pris la succession, se cantonne aujourd'hui à un rôle d'éleveur. »
Trois ans place Beauvau
La mère de Maxime, cadre dans un laboratoire d'analyses médicales, l'encourage à poursuivre ses études.
Brillant élève, il passe par le lycée Fénelon à Clermont-Ferrand, avant d'être accepté à Sciences-Po Grenoble. À 23 ans, il arrive à Paris pour effectuer un stage au ministère de l'Intérieur. Brice Hortefeux est alors aux commandes de la place Beauvau.
« Le fait d'être auvergnat m'a sans doute servi pour obtenir ce premier poste vis-à-vis de Corinne Breuzé, à l'époque conseillère diplomatique du ministre, concède Maxime Costilhes.
D'ailleurs, mon origine m'a toujours servi dans la vie : pour obtenir un poste, un logement, être auvergnat met en confiance notre interlocuteur. Nous bénéficions d’une bonne réputation. » Il va ainsi rester trois ans au ministère de l’Intérieur, d’abord comme conseiller diplomatique aux affaires intérieures et européennes, puis comme chef adjoint du cabinet, lorsque Claude Guéant remplace Brice Hortefeux. Il est ensuite promu à l’Élysée pour accompagner les six derniers mois du règne de Nicolas Sarkozy, en 2012. Sa carrière dans l’antichambre du pouvoir va s’arrêter là. À l’arrivée de François Hollande à la présidence, il rejoint la SNCF. Cette évolution ne correspondait pas à un problème de conviction politique, comme il l’explique : « Dans ces fonctions, nous sommes sous contrat et ils arrivent à terme à la fin du quinquennat. J’ai quitté les cabinets ministériels parce que je sentais que j’y étais demeuré assez longtemps. D’ailleurs, mes parents ne prenaient pas mes fonctions très au sérieux et ne cessaient de me conseiller de trouver enfin un vrai métier. » À la SNCF, Maxime Costilhes est affecté après du secrétaire général, à la gestion de crise et aux affaires générales. À ce titre, il est amené à se pencher sur l’amélioration de la gare de Bercy alors devenue gare des Auvergnats. Animé par une forte fibre régionale, il défend le dossier bec et ongles. Il fait partie de ceux qui ont contribué au nouveau nom de la gare, « Paris-BercyBourgogne-Pays d'Auvergne ». Il a également poussé la RATP à créer un tunnel de liaison entre la gare et le métro. Une volonté qui reste à l’heure actuelle à l’état de projet.
« Mon origine m'a toujours servi dans la vie : pour obtenir un poste, un logement, être auvergnat met en confiance notre interlocuteur. »
Proche des Auvergnats de Paris
Ses missions avec la RATP l'ont poussé à cette époque à nouer de solides liens dans la communauté des Auvergnats de Paris, et notamment avec Jean Mathieu, président de la Ligue dont l'épouse était sa directrice du personnel à la SNCF.
À deux reprises, on a alors pu voir Maxime Costilhes participer à la Nuit arverne. En décembre 2015, le virus politique le reprend. Il ne l’avait jamais totalement quitté. Après son expérience dans les cabinets ministériels, il avait été élu conseiller municipal à Pont-le-Château. Un peu après, en 2012, il tente sa chance sous l'étiquette UMP aux législatives dans la 5e circonscription du Puy-de-Dôme, fief du communiste André Chassaigne.
« C'est un ami, je l'apprécie beaucoup, confie le délégué général. Je savais pertinemment que je n'avais aucune chance. Il est très bien implanté. À l'issue du premier tour, j'ai réussi à le mettre en ballottage, mais, au second tour, il l'a emporté avec près de deux tiers des voix. » Malgré cet échec, Maxime Costilhes repart en politique dès qu'il quitte la SNCF. En décembre 2015, il rejoint l'équipe de Bruno Lemaire lorsque celui-ci se lance dans la course de la primaire de la droite. Pendant près d'un an, il va faire campagne pour l'ancien ministre de l'Agriculture.
Après un début de campagne en fanfare, la candidature de ce dernier s'effondre lors de la primaire.
Pourtant, Maxime Costilhes rejoint alors avec son chef de file l'équipe de Français Fillon. Mais lorsque l'ancien Premier ministre se trouve empêtré dans les affaires, le jeune Auvergnat préfère jeter l'éponge et suit Bruno Lemaire alors que ce dernier prend ses distances avec le candidat LR. Le délégué général de Brasseurs de France n'a pas suivi Bruno Lemaire dans son ralliement à LREM. Sans désapprouver la démarche de celui qui est devenu ministre de l'Économie, il a décidé d'aller travailler dans le privé. Cette transition s'est toutefois réalisée par l'intermédiaire d'un ancien politicien, François Loos. C'est en préparant l'année passée la visite du candidat Fillon au Salon (visite d'ailleurs annulée au dernier moment) que Maxime Costilhes a rencontré le président des brasseurs.
À la tête de Brasseurs de France, Maxime Costilhes a rapidement pris la mesure de son rôle. Il vient de présenter la marque, Profession brasseur, lancée par son prédécesseur. Il met beaucoup d'enthousiasme dans cette mission et c'est avec un plaisir non dissimulé qu'il a annoncé récemment une hausse de 2,7 % du marché de la bière en France. La gestion de ce secteur en pleine effervescence va réclamer beaucoup d'énergie. En une décennie, la France a retrouvé un marché varié avec 1 100 brasseurs et 4 000 marques. Tous les trois jours, une nouvelle brasserie se crée sur notre territoire.