Un chef pour la bouteille d’or

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Ancien chef, passé derrière le comptoir il y a une dizaine d’années, Vincent Limouzin vient de se voir décerner la Bouteille d’Or pour son Bistrot des Halles. Une récompense qui intervient dix-neuf ans après l’attribution à l’établissement de la Coupe du meilleur pot.

Derrière le comptoir, fièrement dressé, le drapeau aux couleurs jaunes et noires du drapeau du Stade rochelais fonctionne comme un point de ralliement pour les aficionados du quinze charentais. Vendéen, natif de Chaillé-les-Marais, dans le Marais poitevin, Vincent Limouzin a toujours soutenu La Rochelle. Son village ne se situait qu’à 35 km de la préfecture de Charente-Maritime. Par le passé, le patron a lui-même tâté du ballon ovale, jouant au poste de 3e ligne. Il faut dire que ce gaillard en impose par sa taille et sa carrure. Ses dimensions pourraient soutenir la comparaison avec celles de son idole, Uini Atonio, pilier des Maritimes. Paul Calvet, président de Tradition du vin, qui vient de lui attribuer la Bouteille d’Or, fait d’ailleurs remarquer que lors de la passation du trophée, le 23 avril, le gabarit de l’ancien lauréat, Éric Mauboussin, dont les mensurations s’apparentent davantage à un demi de mêlée de poche, et celui du nouveau, seront des plus contrastés. 

Quarante vins au verre

Grand seigneur, Éric Mauboussin est venu apporter la Bouteille d’Or à Vincent Limouzin dès l’annonce du verdict. Elle trône en bonne place derrière le comptoir du Bistrot des Halles et le patron est ravi de cette récompense, qui couronne sa belle carrière. Le trophée était largement mérité, mais il est rare que le jury de Tradition du vin désigne un gérant libre. Néanmoins, en place depuis cinq ans, Vincent Limouzin personnalise pleinement cet établissement. Le jury a naturellement apprécié le choix de 40 vins de propriétés proposés au verre au Bistrot des Halles. Mais le point fort du Bistrot des Halles, c’est avant tout sa carte, qui met en scène de très beaux produits achetés à Rungis. Vincent Limouzin a mis en place une authentique cuisine de bistronomie en proposant à sa table l’andouillette 5A de chez Duval, le filet de rumsteck sauce Louvre, mais aussi la tête et les ris de veau, les huîtres Gillardeau, le pain de Jean-Noël Julien et, bien sûr, du gibier en saison. Ce bon vivant sait faire partager sa gourmandise, et pour cause : c’est un cuisinier de métier de très bon niveau.

« Je manage mon personnel comme une équipe de rugby »

Fils d’un charcutier traiteur, il avait suivi une scolarité à l’école hôtelière de Noirmoutier afin de pouvoir développer l’affaire familiale. Il a ressenti le décès brutal de son père comme un drame profond. Vincent était alors âgé de 18 ans. La charcuterie familiale n’a pas survécu à la disparition du chef d’entreprise et Vincent Limouzin n’a pas eu d’autre choix que d’aller travailler comme cuisinier dans de grandes brigades parisiennes. Après un passage au Sofitel Roissy, il passe deux années dans les cuisines de bateaux de croisière. Revenu à terre, il enchaîne les postes de chef de partie, à l’hôtel du Louvre, à l’Intercontinental ou au Ciel de Paris. Il obtient par la suite un poste de second au Toupary, avant d’aller seconder Bernard Bosque à la Bûcherie, un restaurant étoilé. Après un passage chez le traiteur Honoré James, Vincent Limouzin a dirigé durant quatre ans les cuisines du restaurant de la Maison d’Amérique latine. Il y a une dizaine d’années, un ami, Franck Dupas, le persuade de s’associer pour prendre une première gérance libre à L’Époque. « J’ai été tenté par cette expérience qui me permettait de gagner un peu d’argent tout en me lançant dans une aventure bistronomique », explique-t-il. Le tandem fonctionne bien durant cinq ans et, en 2015, Vincent Limouzin décide de franchir une nouvelle étape, en prenant seul la gérance libre du Bistrot des Halles. Même s’il continue à concevoir la carte et veille sur les approvisionnements en se rendant à Rungis une fois par semaine, il s’est éloigné de la cuisine au quotidien et fait entièrement confiance à monsieur Ravi, le chef qui le suit dans son parcours depuis dix ans.

« Je manage mon personnel comme une équipe de rugby », indique Vincent Limouzin. Huit personnes sont en effet nécessaires pour faire fonctionner ce bistrot du lundi au samedi de 7 h à minuit. À son arrivée, le Bistrot des Halles fermait à 18 h. Mais il a décidé de profiter du potentiel du service du soir, où son ticket moyen oscille entre 35 et 40 €. Naturellement, les propriétaires de l’établissement, Jean-Pierre et Isabelle Brend, lui renouvellent régulièrement leur confiance. Ils apprécient le dynamisme et la réussite de ce gérant libre. L’arrivée de la Bouteille d’Or doit les ravir. Ils avaient eux-mêmes obtenu la Coupe du meilleur pot, l’autre grande récompense bistrotière, en 2000. Le Bistrot des Halles rentre, après le Bistrot Mélac, dans la catégorie très restreinte des établissements ayant obtenu les deux trophées.

Infos pratiques

Bistrot des Halles

15, rue des Halles

75001 Paris

Tél. : 01 42 36 91 69

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