Depuis bientôt deux semaines, les restaurants de France sont fermés. Parfois, un comptoir de vente à emporter fait de la résistance, telle une boutique clandestine où les clients sont acceptés au compte-gouttes. Les livreurs eux-mêmes se sont faits très discrets. Nos rues parisiennes, incroyablement désertes, ont perdu leurs saveurs, leurs couleurs. Certains donneraient cher pour aller à nouveau se colleter aux embouteillages des heures de pointe. Peu d’entre nous auraient pu en effet imaginer, il y a deux semaines, que Paris, la France, l’Europe et le monde puissent ainsi plonger dans un grand sommeil sans réveil programmé. Un restaurateur, longtemps confronté à l’absentéisme chronique de ses employés, racontait récemment qu’il n’aurait jamais pensé les exhorter un jour à ne pas venir travailler. Ces instants, il faut le reconnaître, nous renvoient aux interrogations que soulevait notre agitation passée. Contrairement à nos lecteurs, nous avons la chance de pouvoir continuer à travailler en télétravail, dans le respect des règles de confinement. Certes, réaliser des journaux depuis un bureau avec un téléphone et un ordinateur n’est pas idéal, mais nous avons tenu à poursuivre nos parutions tant que nos imprimeurs et les postiers, dont il faut saluer le courage, accepteront de prendre des risques. Nous tenons à rester avec nos lecteurs dans ces heures incertaines. Nous sommes aussi persuadés que cette réflexion forcée, qui va durer plusieurs semaines, ne sera pas inutile. Elle débouchera certainement sur des innovations et notre journal veut être le creuset, et le vecteur de toutes ces initiatives.