Un oiseau de nuit au Palais Bourbon

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Depuis vingt ans, Christophe Blanchet, normand, mais ayant des racines maternelles altiligériennes, fait partie de ceux qui ont professionnalisé le monde de la nuit. Propulsé au palais Bourbon par la vague En Marche, il défend les intérêts de sa région très touristique, mais aussi ceux de son ancienne profession.

Christophe Blanchet assure être le premier représentant du métier de patron de dancing à siéger à l’Assemblée nationale. Il ne faut pas imaginer pour autant que le député de la 4e circonscription du Calvados est un noceur qui écume les dance-floors entre deux séances. Bien au contraire, cet homme de 46 ans, grand, athlétique, a conservé sa silhouette d’ancien soldat parachutiste et une rigueur toute militaire. Durant ses vingt ans de carrière dans divers établissements de nuit dans la région de Caen, il a mis un point d’honneur à ne jamais boire un verre d’alcool en compagnie de ses clients. « Nous travaillons pour proposer aux autres des moments de détente et de bien-vivre, et ne nous sommes pas là pour nous amuser, assène-t-il. Je suis entré dans cette activité en transformant des établissements et en y appliquant les recettes du marketing. Il est important d’offrir au public un regard positif sur notre profession. » Ses parents exploitaient des casinos à Saint-Malo, Ouistreham et Houlgate, avant de les vendre en 1988 au groupe Barrière. Étudiant, Christophe Blanchet a suivi une prépa HEC avant de s’orienter vers l’Inseec Paris et de clôturer ce beau parcours par un MBA à New York. Il aurait alors pu s’orienter vers le monde de la finance, mais il préfère se lancer dans seize mois de service militaire volontaire dans un régiment parachutiste à Toulouse, avant de rentrer dans sa Normandie natale pour reprendre un club bar que la famille possédait à Caen. L’établissement, en nette perte de vitesse, devient sous sa conduite un lieu en vue. Aidé par son frère Xavier, il développe l’activité et cumule les adresses, comme le What’s, allant jusqu’à employer 40 personnes en CDI et une vingtaine en CDD. Inutile de dire que cette perle d’exemplarité a été très vite remarquée dans les milieux syndicaux, où les vocations des représentants du monde de la nuit ne se bousculent pas. D’abord responsable départemental du SNDLL dès 2001, il évolue ensuite au sein des instances de l’Umih, avant de faire un crochet par le GNI.

« Il est important d’offrir au public un regard positif sur notre profession »

Ce touche-à-tout s’intéresse aussi à la politique, d’abord en tant qu’adhérent de l’UDF, puis du Modem. Il devient maire adjoint de Merville-Franceville et conseiller communautaire. Animé par une volonté de renouveler le paysage politique local, il décide dès 2016,de se lancer dans la députation comme indépendant et défenseur du commerce. Sa circonscription, qui englobe Deauville, Trouville et Cabourg, en fait rêver plus d’un, mais elle est tenue par une personnalité de premier plan, Nicole Ameline, une ancienne ministre. Pendant un an, il va sillonner cette circonscription de long en large, avec une voiture de campagne. Ainsi, début 2017, lorsque le mouvement En Marche attribue ses investitures, il est déjà à la tête d’une petite armée de militants et de sympathisants et s’impose rapidement comme candidat naturel. Porté par la vague macroniste, il l’emporte aisément, avec plus de 55 % des voix au second tour. Depuis lors, il a abandonné la nuit en mettant deux de ses établissements en gérance, pendant que son frère exploite le troisième. Très assidu dans les débats et les commissions, il fait partie des députés qui logent dans leur bureau. Le confort des plus spartiates de cette installation convient à ce nostalgique de la caserne, qui a tenu, dès son arrivée au palais Bourbon, à intégrer la commission de La Défense. Les séances nocturnes ne font pas peur à cet homme qui dort quatre heures par nuit et qui, dans son ancien métier, s’est souvent couché à l’heure où se levait le boulanger. Il est très actif sur bien des plans, avec une prédilection pour les sujets qui touchent à la région, comme la gestion des migrants, la lutte contre la contrefaçon, la privatisation de la FDJ. Il est aussi naturellement l’un des plus actifs défenseurs des CHR à l’Assemblée. Depuis deux ans, il exhorte le Premier ministre à autoriser les créations de licences IV dans les petites communes qui en sont dépourvues. Il a obtenu gain de cause, il y a quelques semaines, dans une déclaration de principe. Actuellement, il est très mobilisé sur les débats de la loi Engagement et Proximité, portée par le ministre Sébastien Lecornu et, notamment, contre l’article 13, qui prévoit de transférer aux maires le pouvoir de fermeture des établissements, actuellement détenu par le préfet. Aux dernières nouvelles, un compromis se dessine et ce transfert pourrait être limité aux maires, qui se sont dotés d’une commission des débits de boissons. Par ailleurs, les sanctions ne devraient plus intervenir longtemps après les faits reprochés. Affaire à suivre !

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