Franck Archimbaud, témoignage d’un passager de l’ascenseur social

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Traiteur et restaurateur à Rouen et à Tours, Franck Archimbaud a mis à profit le premier confinement pour écrire son autobiographie. Dans ce témoignage, il rappelle que la restauration reste un ascenseur social et un formidable moyen de s’ouvrir au monde.

Franck Archimbaud
Franck Archimbaud

« La seule chose positive qui ressort de cette mise à l’arrêt forcée de nos entreprises, c’est de nous avoir extrait la tête du guidon pour nous permettre de réfléchir et de faire le point », explique Franck Archimbaud. Ce patron de deux restaurants et d’un service traiteur, présent à Rouen, Tours et Paris s’est ainsi retrouvé le 14 mars à fermer ses établissements, passant du jour au lendemain de réceptions de plus d’un millier de personnes à la fourniture de quelques plateaux repas pour dépanner quelques micro-réunions de ses clients. En 2020, près de 90 % de son chiffre d’affaires traiteur s’est ainsi envolé.

Pour tuer l’ennui, ou simplement l’angoisse, Franck Archimbaud, a mis à profit cette parenthèse pour écrire son autobiographie, L’homme qui voulait Otrechoze. Ce livre ne se résume pas à la narration d’un parcours professionnel, ou au panégyrique d’une réussite entrepreneuriale. Au contraire, il raconte un parcours personnel, semé d’embûches, de doutes. Il y est souvent question d’amour, d’amitié, de famille. Cet homme qui a accédé tardivement à la culture et notamment au théâtre qui le passionne, nous fait vivre sa quête de découverte, sa soif de vivre « autre chose ».

Si ce livre retient l’attention, c’est d’abord parce qu’il montre que la restauration peut se révéler un formidable ascenseur social et pas seulement en matière financière. Grâce à ce métier Franck Archimbaud a pu voyager, vivre ses rêves d’enfant en naviguant sur les fleuves ou en roulant en Jaguar. Mais surtout cet homme curieux de la vie a aussi pu faire des rencontres, accéder à des milieux dont il soupçonnait à peine l’existence. Ce Normand de 53 ans, né à Barentin (Seine-Maritime) dans une famille modeste, a vécu son orientation vers la restauration comme un échappatoire à un univers fermé et sans grand espoir. À peine sorti de l’école hôtelière de la rue l’Avalasse, il a pu vivre une nouvelle vie. Gravissant rapidement les échelons, il a été cuisinier, puis chef. Il a travaillé dans des établissements aussi différents qu’une auberge de l’Eure et un restaurant de Rhodes, en Grêce. Souhaitant encore progresser, il est devenu cadre chez Sodexo, entreprise dans laquelle il a passé une dizaine d’années, à Ronchin et surtout à Marseille.

« Le graal, c’est la relation à soi. »

La quarantaine venue, il a souhaité créer sa propre entreprise. Arrivé à ce stade, il a ainsi souhaité donner un sens à sa vie, réaliser une forme de synthèse entre son expérience professionnelle et son engagement culturel de plus en plus impliqué. C’est ainsi qu’est progressivement né Otrechoze, plus qu’un concept, une volonté d’explorer différemment son métier, dans une optique écologiquement responsable. Dès le milieu des années 2000, Otrechoze met en avant les circuits courts, la saisonnalité, une cuisine simple et accessible.

Malheureusement, son premier restaurant, une concession à la Grand’Mare, quartier de Rouen, placé en zone de sécurité prioritaire, a dû jeter l’éponge. Malgré son succès, l’établissement n’était pas rentable. Les talents de gestionnaire de Franck Archimbaud ont permis de maintenir le restaurant à flot durant sept ans. « J’ai eu tort d’installer un restaurant dans un lieu subventionné, reconnaît-il, les contraintes sont trop grandes. » Heureusement, avant de renoncer, il avait repris un autre restaurant à proximité de l’aéroport de Boos qui fonctionnait avec la même enseigne et sur le même principe. À partir de ce lieu, il a pu créer un service traiteur et essaimer dans la région, porté par ses prestations de restauration responsable. En se lançant dans cette profession de l’événementiel, Franck Archimbaud a su faire coïncider son métier de restaurateur et sa passion du spectacle. Par la suite, il a été amené à reprendre les activités d’un traiteur de Tours doté d’un laboratoire et d’une salle de réception. Enfin, il a installé à Portejoie, entre Rouen et Paris, son propre laboratoire lui permettant de couvrir une large zone allant du Havre à la capitale. À la veille du premier confinement, Franck Archimbaud s’est même offert le luxe de racheter l’auberge Le Saint-Pierre, à la Bouille, un village touristique, situé en bord de Seine, à proximité de Rouen.

Curieusement, ce livre voit le jour à un moment où ce personnage, souvent à vif, semble avoir trouvé la paix avec lui-même en écrivant en exergue « Le Graal, c’est la relation à soi ». Après avoir tiré les enseignements de son parcours, il a trouvé le temps de transmettre son expérience sans se poser en donneur de leçons. C’est cette sincérité qui rend l’ouvrage intéressant. Franck Archimbaud ne se donne pas le beau rôle dans cette biographie. Sans concession pour lui-même et pour certains de ses proches, il rappelle que la vie de chef d’entreprise n’est pas un long fleuve tranquille. Pour autant, il ne faut jamais renoncer.

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