L’alimentation crue, une voie d’avenir

  • Temps de lecture : 7 min

La restauration constituée d’aliments bruts a une faible notoriété en France. Mais elle représente pourtant un régime alimentaire déjà bien implanté dans plusieurs pays occidentaux. À l’instar du végétalisme, la raw food, ou alimentation exclusivement sans cuisson, pourrait progresser davantage dans nos restaurants.

Le principe de la raw food (nourriture brute ou vivante) est de consommer des aliments non raffinés, non transformés, peu ou non cuits et essentiellement issus de l’agriculture biologique. Cette manière de se restaurer permet d’ingérer le maximum de nutriments contenus dans les légumes, les céréales, les fruits, les graines, les oléagineux et d’autres produits. Il facilite ainsi la conservation d’un équilibre alimentaire et d’une bonne santé. Depuis dix ans, le restaurant Sol Semilla propose une cuisine entièrement végétale, faite avec des produits de saison et de nombreux « super-aliments », que l’enseigne vend même depuis 18 ans. « Nous n’avons aucun produit transformé, tout est fait ici.

Cela fait partie de notre éthique et notre but est d’offrir une assiette gourmande et équilibrée. Tous les jours, nous proposons également une assiette crue », explique Mickael Dieppois, responsable du restaurant. L’établissement de la rue des Vinaigriers (Paris 10e) propose différents plats composés de céréales, de légumineuses, de crudités et d’un caviar de spiruline. « Toutes nos assiettes ont été conçues pour maintenir un certain équilibre. Même si cela est bon pour la santé, nous souhaitons garder l’aspect plaisir. On ne veut pas que les gens sortent de table sans être satisfaits ou en ayant encore faim », précise le responsable de Sol Semilla. À travers une philosophie culinaire assez proche, le chef Fabien Borgel est à la tête, depuis sept ans, d’un restaurant bistronomique de cuisine crue et végane, baptisé 42 Degrés : « C’est la température à ne pas dépasser, plus ou moins. Aujourd’hui, nous cuisons encore trop souvent les légumes, ce qui fait perdre la moitié de leurs vitamines et de leurs nutriments. J’ai commencé à faire ce type de cuisine avec un ami végétalien, qui s’était penché sur l’alimentation vivante. Je pense qu’il faut savoir comprendre le fonctionnement de son corps, car chaque végétal apporte énormément de choses. »

Les assiettes proposées par Sol Semilla sont composées de crudités de saison, de graines, de céréales, d’un caviar de spiruline.

Bénéfique pour la santé 

La cuisine dite vivante permet d’accompagner ses adeptes dans leur vie quotidienne. Et les bienfaits de cette alimentation sont parfois surprenants. « Le déclic a eu lieu en 2015 pour moi. Je me sentais un peu lourd, j’étais stressé et on m’a fait découvrir les jus de légumes. Puis je me suis intéressé au travail de la naturopathe Irène Grosjean, se remémore David Adanero, fondateur et gérant du restaurant Love me Cru (Paris 20e). Lorsque tu manges ce que ton corps attend, cela va très vite : j’ai perdu 12 kg en quatre mois. Et en perdant du poids, j’ai retrouvé de l’énergie et les bénéfices ont été multiples. On revient dans son élément et on est aligné, c’est très agréable. » En axant sa cuisine autour des fruits et des légumes non cuits, David Adanero était désireux de faire découvrir et « faire prendre conscience aux gens » les avantages de l’alimentation vivante. « Les fruits et les légumes sont faits pour notre santé. Si nous les cuisons, nous les transformons », poursuit ce défenseur du crudivorisme, dont le restaurant de Belleville vient de fermer ses portes, à la suite d’un chiffre d’affaires en chute libre avec la crise sanitaire.

Mais David Adanero n’abandonne pas son engagement nutritionnel et réfléchit à de nouveaux projets en dehors de la capitale. Dans ce contexte, la première semaine de réouverture des terrasses a été la bienvenue pour le 42 Degrés, où toutes les sauces, les farines, les jus et les différents plats sont faits maison, selon trois modes de préparation : la marinade, la fermentation ou la déshydratation. L’établissement du quartier Poissonnière (Paris 9e ) offre notamment des chips de Kale, des légumes légèrement déshydratés ou encore son plat signature : le burger de champignon. Ce dernier est composé de deux champignons Portobello, qui enferment un steak végétal fait de graines, de noix et de légumes. « Le burger suit les saisons. Le steak est fait avec de la betterave de novembre à juin, puis avec de la tomate pendant l’été », note Fabien Borgel.

Le burger de champignons de 42 Dégrés.

La France en retard ? 

Les créations proposées par le chef du 42 Dégrés, à partir d’une alimentation brute, ne sont pas fréquentes à Paris, comme dans le reste du pays. « Cela reste une cuisine qui est trop méconnue en France, par rapport à ce qui se passe à l’étranger, notamment en Allemagne, en Angleterre, aux États-Unis, au Canada et même en Russie, estime Fabien Borgel. Il y a toujours un plat végétarien ou crudivore dans les restaurants de ces pays. » La culture culinaire française, qui s’appuie encore souvent sur une alimentation carnée, n’est pas la plus réceptive au crudivorisme. « Je pense que c’était un des restaurants les plus sains et healthy de France. C’était une bonne idée mais peut-être qu’elle est arrivée trop tôt », estime David Adanero, concernant l’ouverture de son Love me Cru en 2016.

L’alimentation vivante ne doit pas pour autant être enterrée en France. Bien au contraire. « Les gens réduisent leur consommation de produits d’origine animale, c’est ce qui se répand le plus aujourd’hui. Et j’ai l’impression qu’ils sont davantage conscients de l’impact de l’alimentation pour leur santé et l’écologie », observe le responsable de Sol Semilla. « La mentalité a bien changé, il y a une ouverture d’esprit qui se crée, constate aussi Fabien Borgel. Il est possible de faire tellement de choses avec la lacto-fermentation » (procédé de conservation des aliments consistant à les laisser macérer sans oxygène). Afin de soutenir le développement de la gastronomie crudivore et vivante, le chef du 42 Degrés présente des ateliers dans son restaurant. Après 30 minutes de théorie, les participants passent en cuisine durant 3 h 30, afin de concocter eux-mêmes un repas qu’ils dégusteront. Certainement le meilleur moyen pour comprendre les fondamentaux de la cuisine crue.

Fabien Borgel, créateur de 42°.

PH7 Équilibre : réduire l’acidité des corps

L’alimentation est souvent pointée du doigt par les médecins et les nutritionnistes lorsqu’elle est trop grasse ou trop sucrée. Mais notre organisme nécessite également de conserver un équilibre acidobasique. « Nous avons généralement trop d’acidifiants et un rythme de vie trop acide », constate Murielle Vignone de l’enseigne PH7 Équilibre, qu’elle gère avec sa fille Claudia Zemor. Ce petit restaurant de la rue Le Peletier (Paris 9e) offre « des assiettes alcalinisantes », afin de rééquilibrer notre acidité corporelle via l’alimentation. « L’idée est de proposer une assiette avec 20 % de produits acidifiants. Et dans nos assiettes, ce sont des protéines végétales : des céréales et des légumineuses », ajoute Murielle Vignone. Le reste est constitué de 80 % de légumes. Le tout regorge de couleurs, de saveurs et d’épices. Ici, les produits peuvent être cuits à la vapeur (au vitaliseur) ou au four, mais sont transformés uniquement sur place. 

Trio de desserts PH7 Équilibre, avec un gâteau au chocolat, une crème de patate douce et un tapioca au lait de coco et des fraises.

« C’est une cuisine saine, sans friture et avec des huiles de première pression à froid, soutient Claudia Zemor. Des clients ont senti les bienfaits de notre cuisine sur leurs corps, et cela nous a encouragés. » Depuis cinq ans, Claudia Zemor et sa mère – ancienne infirmière et sophrologue – poursuivent l’aventure PH7 Équilibre avec leur cuisine aux influences indiennes. Tous les clients y sont accueillis avec un verre de kéfir et peuvent finir sur une délicieuse note sucrée… végane et sans gluten.

PARTAGER