Le fromage aux cinq galons

  • Temps de lecture : 3 min

On le surnomme le « colonel », à cause des brins de roseaux qui l’entourent et forment comme des galons. Le livarot est l’un des quatre fromages de Normandie sous signe officiel de qualité. Savez-vous qu’il était autrefois plus populaire que le camembert ?

La Normandie compte quatorze produits sous signe officiel de qualité, dont quatre fromages: le camembert, bien sûr, le neufchâtel, le pont-l’évêque… et le livarot. « Au XIX siècle, il était le e fromage le plus consommé en Normandie, raconte Bruno Lefèvre, directeur de la fromagerie Graindorge. Quand la Première Guerre mondiale a éclaté, les laitiers normands ont été réquisitionnés pour fournir au front un jour de production mensuelle. Ils ont envoyé beaucoup de camemberts, qui sont devenus le fromage favori des soldats. Ceux qui ont eu la chance de revenir l’ont fait connaître dans toute la France. Le livarot en a fait les frais. » Il faut attendre 1975 et l’obtention de l’AOC, puis de l’AOP en 1996 pour qu’il regagne le cœur des consommateurs.

Le lait destiné à la fabrication du livarot doit provenir uniquement de troupeaux de Normandes.

« Vous, c’est biscotte-salade, moi c’est livarot-beaujolais »

Sur son site de Livarot, où les fromages « en blancs » étaient jadis négociés entre fermiers et affineurs, la fromagerie Graindorge produit chaque année 700 tonnes de livarots AOP. C’est d’ailleurs un fromage Graindorge qui apparaît dans le film Le Tatoué lorsque Jean Gabin, en bon Normand, lance à Louis de Funès « Vous, c’est biscotte-salade, moi c’est livarot-beaujolais ! ». Populaire, le livarot est pourtant celui des quatre fromages AOP normands dont le cahier des charges est le plus exigeant. « L’aire géographique est limitée au seul pays d’Auge », pointe Bruno Lefèvre. Une zone d’appellation qui s’étend des collines du Perche à la Côte fleurie, au cœur du bocage normand. Moins d’une centaine de producteurs y font pâturer leurs vaches. « Et elles doivent toutes être de race normande, reprend l’affineur. Le lien à l’herbe est essentiel : pas plus de trois vaches à l’hectare, et au pré au moins six mois par an. En pratique, c’est souvent dix : les animaux sont dehors quasiment toute l’année. »

Le livarot normand est entouré de brins de roseaux, d’où son surnom de « colonel », grade militaire à cinq galons. 

Le livarot possède la particularité d’être entouré de trois à cinq « laîches » de roseaux semblables à des galons. Un liage qui, à l’origine, lui évitait de s’affaisser durant l’affinage, et lui a valu le surnom de « colonel ». Comme le maroille auquel on lui prête une ressemblance, il est lavé à l’eau salée additionnée de rocou, un colorant naturel. Cette opération et le développement de ferments bactériens lui confèrent une teinte orangée. Les arômes végétaux qui le caractérisent se musclent à mesure que l’affinage progresse: sa pâte fondante adopte alors une saveur à la fois douce et marquée, évoquant des notes de cuir et d’étable, voire de soufre ou de fumé pour les plus âgés. « Nous affinons certains livarots sur des durées assez longues, reprend Bruno Lefèvre. Jusqu’à neuf semaines sur les grands formats. On obtient des arômes puissants, avec une croûte humide et presque poisseuse. » À déguster avec un cidre ou un pommeau… de Normandie !

Fiche technique

– Formats : 200 g (petit livarot) ; 350 g (livarot ¾) ; 500 g (livarot) ; 1,2 kg (grand livarot)

– Zone d’appellation : pays d’Auge (Calvados, Orne, Eure)

– 3 à 5 semaines d’affinage selon le format

PARTAGER