Les conditions de soutien des CHR se clarifient

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Après la fermeture des restaurants français, Gouvernement et syndicats ont négocié des mesures d’accompagnement et de soutien au secteur. Si le problème des crédits et du chômage partiel semblent réglés, la question des loyers reste en suspens.

Les discussions qui se sont déroulées, lors des deux dernières semaines, entre les professionnels de l’hôtellerie-restauration et le Gouvernement ont été constructives. Les principaux dirigeants admettent que le Gouvernement s’est montré à la hauteur de l’enjeu. Didier Chenet, président du Groupement national des indépendants (GNI) reconnaît que « globalement, nous avons conscience que le Gouvernement a fait le maximum vis-à-vis des professionnels, qu’il s’agisse des entreprises ou des salariés. Je salue le travail réalisé par Bruno Le Maire et Muriel Pénicaud qui ont amené des réponses constructives. » Au Groupement national des chaînes hôtelières (GNC), le président Jean-Virgile Crance montre aussi sa satisfaction : « En dehors de toute considération politique, je salue la mobilisation du Gouvernement. Nous sommes solidaires et unis. »



PAS D’EXONÉRATION DE TVA

Roland Héguy, président de l’Umih, se félicite également de l’écoute et de la réactivité de Bruno Le Maire, ministre de l’Économie et des Finances, mais aussi de Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État, notamment chargé du Tourisme. Il estime avoir été entendu sur nombre de ses demandes et reconnaît que la seule question que le Gouvernement a refusé d’aborder est l’exonération de TVA : « C’est un peu normal. Nous sommes collecteurs d’une taxe que le consommateur paie. Il n’y a pas de raison de conserver ces sommes qui ont été encaissées avant la fermeture. » L’Umih ferraillait également pour obtenir une indemnisation de ses salariés de la branche sur la base des trente-neuf heures. Mais cette revendication n’a pas été acceptée. Les 26 ordonnances présentées au Conseil des ministres du 25 mars 2020 et publiées le lendemain au Journal officiel viennent préciser les conditions d’indemnisation du chômage partiel dans les CHR. Elles resteront malheureusement calculées sur la base de trente-cinq heures alors que la durée normale du travail régulière dans les CHR est calculée sur la base de trente-neuf heures avec néanmoins quatre heures majorées de 10 %.

 

Roland Héguy : « Rien ne sera plus comme avant pour des années. »



84 % DU SALAIRE NET


Cette indemnisation qui concerne les salaires jusqu’à 4,5 fois le Smic risque donc de pénaliser les CHR. Elle assure à la plupart des salariés au chômage technique un revenu mensuel équivalant à 84 % de l’ancien salaire net ou 70 % de
l’ancien salaire brut. Au final, les employés des CHR devront supporter une décote de 12,6 % de leur indemnité par rapport à celle d’un salarié normal 1. Un fléchissement dû au changement de base horaire et à une perte de majoration de l’ordre de 38 €. Après avoir essayé d’infléchir les décisions gouvernementales lors des négociations préalables, Roland Héguy entend néanmoins élargir le choc pour ses salariés : « Nous essayons de travailler à la mise en place de mesures de compensation au niveau des OP et des OS en jouant sur les périodes de congés payés et RTT, afin de maintenir un niveau de revenus ». Autre problème, nombre d’entreprises ne parviennent pas à déposer leur dossier de demande de chômage partiel en raison d’une très forte demande, qui a mis les sites à rude épreuve. Mais sur ce point, Didier Chenet estime que des assurances ont été données : « La ministre du Travail, Muriel Pénicaud, nous a garanti que tout dossier de demande, sans réponse depuis quarante-huit heures serait considéré comme accepté. Nous avons aussi reçu des assurances sur la trésorerie des entreprises. Les crédits bancaires peuvent s’élever à l’équivalent de trois mois de CA, la franchise sera remboursable en une année et l’amortissement pourra être étalé sur trois ou cinq ans. En complément des prêts bancaires automatiques pourront être bonifiés par des prêts BPI, à taux BPI. Ils permettront ainsi d’accroître le volume de crédit. Au passage, j’incite nos adhérents à payer leur dette fournisseurs. Il ne faut surtout pas casser le lien avec les producteurs ».



L’ÉPINEUX PROBLÈME DES LOYERS

La question du loyer pose aussi problème pour nombre d’entreprises à l’image de ce restaurateur du quartier de la Bastille qui doit verser 18 K€ de loyer mensuel sans parler des 4 K€ de droits de terrasses mensuels qu’il doit théoriquement verser à la ville. Une équation insoluble alors qu’aucune recette n’est actuellement générée par l’établissement. Didier Chenet reconnaît que, d’un cas à l’autre, les situations sont diverses : « Nous avons eu des réponses positives de la part des bailleurs du public (mairie ou administration). Les centres commerciaux sont aussi prêts à faire des efforts. C’est plus compliqué pour les bailleurs du privé. Il s’agit souvent de retraités pour qui ces sommes constituent l’essentiel du revenu. Il faudra négocier et trouver un juste milieu. Le crédit de trésorerie pourra aussi permettre de faire face aux loyers ».

Chez les hôteliers, le problème des loyers est encore plus aigu, puisque le coût de l’outil de travail pèse lourdement dans le compte d’exploitation.
Jean-Virgile Crance estime que les
« bailleurs privés doivent accepter la suspension des loyers et se retourner vers les banques. Nous sommes en train de travailler avec les pouvoirs publics sur une mécanique qui pourrait déboucher sur un projet d’ordonnance. Il s’agirait d’abord de rallonger automatiquement le bail d’une durée équivalente à celle de la fermeture et durant les dix-huit mois après la réouverture, la valeur du loyer serait indexée sur les progressions de chiffre d’affaire afin d’accompagner la reprise ».

Jean-Virgile Crance : « Nous travaillons sur un projet d’ordonnance autour des loyers. »



30 000 CHAMBRES MISES À DISPOSITION

Il faut d’ailleurs rappeler que les hôtels ont toujours la latitude de faire fonctionner leurs activités hébergement et room service. Mais les deux tiers du parc hôtelier de chaîne sont aujourd’hui fermés et de nombreux indépendants ont également fait ce choix. Roland Héguy rappelle cependant que de nombreux établissements sont en première ligne pour aider les professionnels de santé ou permettre à la France de continuer à fonctionner : « Les hôteliers de l’Umih et du GNC ont recensé 1 000 hôtels et 30 000 chambres sur le territoire, qui pourront être mis à la disposition des préfets pour accueillir le personnel soignant, mais aussi les préfets et les malades souffrant de pathologies non liées au coronavirus. »
Jean-Virgile Crance, très actif sur ce dossier, a œuvré en coordination avec la cellule du Quai d’Orsay, puis avec celle du ministère de l’Intérieur qui a tout centralisé. « Nous avons travaillé sur l’hébergement d’urgence à la demande d’Agnès Pannier-Runacher et Julien Denormandie, détaille-t-il. Nous avons mis en place en soixante-douze heures une chartre d’accueil public spécifique pour protéger les personnels et accueillir les personnes sans domicile fixe. Certains hôtels peuvent accueillir les soignants ou les routiers et même une partie de l’hôpital. À Perpignan, 100 % d’un hôtel a été réquisitionné pour accueillir 24 h/24 des malades non affectés par le coronavirus et leurs soignants. Cela permet d’accroître les capacités d’accueil de l’hôpital. »



RIEN NE SERA PLUS COMME AVANT

Au-delà de la gestion de la crise actuelle, les dirigeants syndicaux s’avouent incapables d’estimer l’ampleur de l’impact de cette crise sanitaire.

« Rien ne sera plus comme avant pour des années. Toute l’économie sociale et notre façon de vivre seront repensées. À court terme, le redémarrage risque d’être lent, estime Roland Héguy. Les consommateurs ont pris des habitudes et les 30 % de touristes étrangers qui constituent  notre clientèle auront du mal à revenir. » Didier Chenet partage, lui aussi, ces interrogations : « Concernant la reprise, je partage l’avis de Christian Mantéi, président d’Atout France. La courbe de la reprise n’aura pas la forme d’un V, mais d’un U. Je pense que la partie restauration repartira relativement vite, mais les hôtels devront patienter et attendre le retour de la clientèle touristique, notamment dans le secteur du luxe. Quoi qu’il en soit, je crois que la saison sera entachée. Mais je pense qu’il y aura un avant et un après à cette crise sanitaire. Je crois qu’il faudra remettre en question l’organisation des entreprises et la gestion manageriale. »

C’est donc un grand chantier qui attend les CHR français dans les mois qui viennent. Il faudra d’abord redémarrer l’activité en laissant le moins d’entreprises possible sur le bord de la route. Il faudra ensuite réécrire l’avenir, les rapports sociaux, la façon d’aborder le travail, mais aussi et sans doute accentuer notre effort en faveur du développement durable.

Didier Chenet : « La courbe de la reprise n’aura pas la forme d’un V, mais d’un U. »


NOTES : 1
Un salarié de droit commun effectuant trente-cinq heures hebdomadaires et qui gagne 2 000 € mensuels nets pourra recevoir une indemnité de 1680€. Un salarié des CHR assujetti aux trente-neuf heures et qui gagne 2 000 € mensuels nets recevra une indemnité de 1 468 €, soit un différentiel de 212€.

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